Par Nouredine BOUDERBA*. Contribution lors de la conférence-débat organisée par le Conseil Scientifique de Jil Jadid, le jeudi 21 avril 2022 au Centre Culturel Larbi Ben M’hidi à Alger.
Le 11 septembre 1990, à l’instant même où la coalition militaire internationale, dirigée par les Etats Unis, intervenait contre les forces Irakiennes au Koweït et en Irak, le président George H. Bush (le père) déclarait devant le Congrès américain : « Nous nous trouvons aujourd’hui à un moment exceptionnel et extraordinaire […], un nouvel ordre mondial peut voir le jour pour une durée d’un siècle au moins ». Cela faisait moins d’une année que le mur de Berlin était tombé et 1991 qui sera suivi en 1991 par la dissolution du pacte de Varsovie et la dislocation de l’URSS. Ces évènements ont rendu caduque l’existence même de l’OTAN. Pourtant cette dernière organisation, non seulement ne fut pas dissoute mais elle évolua rapidement d’un pacte de défense militaire en pacte d’agressions militaires. Pour parfaire sa domination du monde, l’impérialisme dirigé par les Etats Unis, imposera à cadence forcée la mondialisation réglée financièrement par le dollar et contrôlée militairement par l’OTAN. Pour faciliter ce contrôle on imagina le « droit d’ingérence » qui peut être décidé à tout moment et utilisé contre tout pays qui sort des rangs et une autre formule « la communauté internationale », deux concepts qui n’existent pas dans le droit international. Moins de Trente et un (31) ans après, les interventions militaires en Serbie, en Afghanistan, en Libye, en Syrie nous donnent toute la mesure de l’injustice et de la cruauté de ce nouvel ordre mondial.
Ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine n’aurait jamais eu lieu sans ce monde unipolaire. En réalité le conflit qui se déroule en Ukraine oppose l’OTAN expansif dirigé par les Etats Unis à la Russie déterminée à utiliser tous les moyens en sa possession, y compris la force militaire, pour défendre ses intérêts stratégiques et sa sécurité nationale qui ne peut s’accommoder avec un déploiement militaire de l’OTAN à ses frontières. Tout indique que l’issue de ce conflit débouchera sur un monde multipolaire et plus juste.
Mais en attendant tous les peuples du monde subiront les conséquences de ce conflit majeur et des sanctions, inédites de par leur nombre et leur ampleur, qui sont décidées par les Etats Unis et appliquées par les pays de l’UE. Les peuples Européens, seront parmi les premiers à subir les dures retombées de l’inflation et vivre une précarité d’une ampleur inégalée durant les dernières décennies. Les peuples des autres régions notamment ceux des pays en développement auront à subir une hyperinflation qui aggravera la précarité, la pauvreté et les inégalités déjà importantes par la faute d’un monde capitaliste et impérialiste injuste et amplifiées par la pandémie ravageuse qui n’est pas encore finie.
Tous les pays du monde non concernés directement par ce conflit, dont l’Algérie, subissent des pressions politiques sans précèdent pour prendre position et condamner la Russie selon la logique du « qui n’est pas avec moi est contre moi ». Les pays qui disposent de réserves de ressources énergétiques sont de leur côté soumis à des pressions pour produire et surproduire du gaz et du pétrole, du charbon et du nucléaire même si cela ne va pas dans le sens de leurs intérêts, en vue de suppléer l’approvisionnement russe des pays européens en énergie à la suite de l’embargo contre la Russie, décidé par ces pays eux-mêmes.
Le peuple algérien qui a souffert des affres du colonialisme durant 130 ans, d’une guerre de libération de 07 ans et demi, au prix d’un million et demi (1.5 M) de martyrs et d’une décennie de terrorisme, encouragé il faut le rappeler par plusieurs pays membres de l’OTAN, connait les affres de la guerre et les souffrances qui en découlent. Il ne peut qu’exprimer sa sympathie et sa solidarité avec le peuple Ukrainien martyr, victime d’intérêts géostratégiques qui le dépassent. Le peuple algérien ne peut qu’appeler à une fin rapide de ce conflit et à une paix durable qui préserve les intérêts, la sécurité de tous les peuples de cette région européenne. Dans ce conflit, les premières victimes sont les peuples comme l’ont été les peuples vietnamien, Afghans, Irakien, libyen, Syrien, Yougoslaves agressés et martyrisés par les dirigeants d’un monde unipolaire pour leurs intérêts supérieurs.
Aussi mon avis est que l’Algérie doit, comme elle l’a fait lors des deux derniers votes à l’ONU sur la question s’en tenir à une position non alignée. Elle doit appeler à la fin rapide du conflit et de toutes ses causes profondes. Elle ne doit pas hésiter à user de sa modeste expérience en médiation internationale si elle est sollicitée dans ce sens.
II) Sur le plan économique
L’Algérie, à l’instar de tous les pays aura à subir pour longtemps les conséquences d’une inflation élevée et durables des matières premières en particulier des céréales dont les importations représentent 70 % de la consommation interne et des produits semis finis.
D’où l’impérieuse nécessité pour le pays de donner une priorité absolue pour une politique de sécurité alimentaire efficace 1. Tenant compte des contraintes liées au bouleversement climatique et du manque d’eau, de la limite des surfaces arables et des besoins alimentaires du pays pour ce qui est de la production. 2. En ajustant les disponibilités et notamment les importations aux besoins réels du pays qui sont de 200 à 220 kg /personne/an. Ce qui suppose une lutte sans merci contre la corruption et le gaspillage qui découle avant tout des conditions de production, de stockage et de distribution. 3. Pour le reste l’Algérie doit impérativement diversifier ses sources d’importation pour réduire sa dépendance et ses couts.
III) Sur le plan énergétique
Aujourd’hui l’Algérie est soumise à des pressions multiples pour augmenter ses exportations de Gaz vers l’Europe. La politique que doit suivre notre pays ne doit en aucun cas obéir aux pressions ou être guidée par des intérêts exclusivement à court terme. Elle doit prendre en considérations ses intérêts politico-économiques stratégiques actuels et ceux à long terme y compris les intérêts des générations futures. Elle doit intégrer entre autres :
A ce titre, il est important de souligner qu’en 2020 l’Algérie a exporté 41 milliards m3 sur une capacité d’acheminement totale installée (pipelines et GNL) de 87 milliards de m3. Soit un taux d’utilisation de 48 % et 54 % si on excepte le GME, 84 % de ces quantités ont été exportées vers les pays de l’UE (en comptant les prélèvements des pays de transit du gaz) et 12,3 % vers la Turquie. Seuls 1 milliard de m3 ont été exportés vers l’Asie (Chine, Inde, Pakistan et Koweït dont le marché cumulé dépasse 190 milliards de m3 et qui de plus est en expansion).
N’est-il pas opportun que l’Algérie de ne pas mettre tous les œufs dans un même panier en diversifiant sa clientèle dans un monde ou l’énergie devient, chaque jour un peu plus, une arme de pression politique ?
Dans ce cadre il est important me semble -t-il d’écouter les voix qui appellent à la réactivation du haut conseil de l’Énergie de l’énergie qui doit tracer, superviser, évaluer et corriger la politique dans le domaine d’une richesse sur laquelle repose la quasi-totalité des ressources financières externes du pays.
IV) Sur le plan politique et social interne
Les conséquences politiques, économiques et sociales de la crise en Ukraine et des sanctions mises en place seront importantes et durables. L’inflation qu’a vécu le monde en 2021 et début 2022 à cause de l’incapacité du monde capitaliste à apporter des solutions aux problèmes économiques et sociaux de l’humanité va être sérieusement amplifiée. Elle se traduira pour notre pays par l’amplification de l’érosion du pouvoir d’achat de la population déjà à un niveau critique dans un contexte politique difficile et la multiplication des défis qui se posent à l’Etat algérien. Je parle bien de l’Etat.
La nation algérienne pour relever ces défis et dépasser cette crise doit construire un front intérieur pour la préservation de la nation algérienne, pour sa souveraineté et pour la souveraineté populaire. Ce front doit être construit autour des principes suivants :
*Nouredine BOUDERBA, Militant syndicaliste, expert des questions sociales et du monde du travail.
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