Conseil Scientifique

Épidémie de Malaria et de Diphtérie en Algérie : Les Causes et Les Failles du Système de Santé

Temps de lecture : 3 minutes

L’épidémie de malaria et de diphtérie qui touche actuellement le Sud de l’Algérie suscite de nombreuses inquiétudes. Face au silence des autorités et des médias publics, des rumeurs circulent sur la gravité de la situation sanitaire. Les régions du Sud, en proie à ces maladies, révèlent les failles du système de santé algérien, incapable de répondre efficacement à cette crise.

On annonce, ici et là sur les réseaux sociaux, des dizaines de morts et de centaines de malades pris en charge dans des conditions très en deçà de ce que doit être la riposte sanitaire en pareilles circonstances exceptionnelles !

Comme il y a quelques années de cela lors de l’épidémie de choléra, nous assistons aux mêmes comportements et réflexes des responsables sensés être l’alerte et la vigilance sanitaire pour protéger les populations en détresse et dans le désarroi.

Alors pourquoi toute cette  » cacophonie  » dans la prise en charge des personnes touchées ?

Tout le monde sait qu’en plus de l’immigration clandestines à partir de nos frontières ,les régions du sud sont sujettes régulièrement à ce genre d’épidémie en raisons de leur environnement surtout lorsque de fortes pluies sont observées avec la présence d’insectes dans les oueds et autres marécages.

Vu les flux humains permanents avec les pays sahéliens, Niger, Mali en particulier, il est habituel de voir régulièrement arriver des patients présentant des accès pernicieux.

D’où peut-être le problème qui se pose pour identifier le foyer initial de la contamination.

Depuis des années, les spécialistes (infectiologues et épidémiologies) tirent la sonnette d’alarme, et ne comprennent pas pourquoi, il n’y aurait pas demain un laboratoire dans chaque wilaya pour prévenir ce type de maladies transmissibles et contagieuses, d’autant plus que l’Algérie est un pays à risque.

Ce qui est dommageable, c’est que la banalisation de la situation par les autorités et les médias publics entretient la rumeur et la peur.

Comme Il y a un manque de confiance de la population envers les autorités, c’est le rôle des autorités sanitaires de reprendre la situation en main. Bien que le ministère de la Santé ait affirmé dans un communiqué laconique du 27 septembre 2024 que la situation est maîtrisée , et face à la réalité et en l’absence de données officielles, la situation reste inquiétante.

Pourtant, il existe dans le pays les ressources humaines pour gérer ce type de poussées épidémiques ou la résurgence de maladies comme le paludisme ou la diphtérie. Le centralisme à outrance du Ministère de la Santé bride toutes les initiatives locales ou régionales.

Le paludisme se diagnostique par une goutte épaisse ou un frottis sanguin et la diphtérie a une clinique bien typique. Évidemment ces pathologies appellent à des actions, réactions et interrogations que les autorités de wilayas peuvent gérer convenablement en appui de la centrale si nécessaire.

Elles interpellent surtout sur les causes responsables de la résurgence de ces pathologies et les actions à entreprendre à court et à moyen terme du fait de ces situations alarmantes.

La population des migrants, les dernières pluies dans le sud, l’absence de traitement des gîtes larvaires des moustiques aident à l’apparition du paludisme qui avait disparu chez nous depuis quelques années (thèse de Berezoug, ancien cadre du ministère de la santé et ex OMS).

Pour la Diphtérie, il y a lieu de s’interroger sur la couverture vaccinale (enfants et adultes qui est un aspect négligé) et surtout de sa qualité aussi.

Même si nous n’avons pas suffisamment d’informations sur le nombre de cas, enfants ou adultes, autochtones ou migrants…

Un rattrapage vaccinal et des protocoles de prise en charge fait avec nos infectiologues devraient facilement régler le problème.

Il est temps de réactiver le programme national de lutte contre le paludisme dans les zones à risques.

Oui, nous communiquons mal.

Oui, nous devons accepter de faire des efforts pour renforcer la prévention primaire, secondaire et tertiaire .

Oui, il faut renforcer les programmes de formation continue.

Notre pays est immense, la décentralisation est une obligation pour plus d’efficacité.

En définitive, cette nouvelle situation épidémique remet sur la table la problématique du secteur de la santé en Algérie  considéré par une large partie de la population et la presse comme le parent pauvre des politiques publiques.

En effet, C’est un véritable problème de fond.

 Il faudrait concevoir un système de santé humain en mesure de prendre en charge correctement les citoyens algériens. La nouvelle loi sanitaire adoptée par le Parlement il y a quelques années n’a pas été largement débattue avec les acteurs de la santé. Elle ne répond pas à toutes les questions des professionnels du secteur…

Les défaillances observées dans le système de santé algérien sont liées à une mauvaise gestion et à l’absence d’une mise à niveau des moyens technologiques des structures de santé.

Alger ne peut pas et ne doit pas décider de tout!!

Si nous arrivons à profiter pleinement des compétences scientifiques et médicales que nous avons ici et ailleurs, nous parviendrons à un meilleur système de santé pour un grand pays comme l’Algérie.

N’est-elle pas venue l’opportunité de la tenue d’états généraux de la santé durant lesquels les autorités sanitaires, les professionnels de la santé, les syndicats et les associations de malades se réuniraient afin de concevoir un meilleur système permettant aux Algériens de se soigner dans les meilleures conditions possibles.

Dr. Lakhdar Amokrane & Dr. Fouad Kahia-Tani
Membres de la commission santé
Conseil scientifique de Jil Jadid
Oussama Haddad

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