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« La modernité, genèse et destin de la civilisation occidentale contemporaine » par Soufiane Djilali

Temps de lecture : 3 minutes

Par Meriem Djouder

Dans son ouvrage « La modernité, genèse et destin de la civilisation occidentale », Soufiane Djilali explore les transformations profondes de la civilisation occidentale et leurs implications pour les sociétés contemporaines, en particulier celles du monde musulman.

Publié par Les presses de Chlef et Jil Jadid, cet essai de 296 pages s’appuie sur une analyse rigoureuse et nuancée pour déconstruire les mythes entourant la modernité.

L’un des atouts majeurs de cet ouvrage est sa grande accessibilité. Soufiane Djilali utilise un langage clair et concis, illustrant ses propos d’exemples concrets. Les synthèses à la fin de chaque chapitre permettent au lecteur de retenir les idées essentielles. Il s’appuie sur une bibliographie solide, qui témoigne de sa grande culture et de sa rigueur intellectuelle.

L’auteur constate que depuis le XIXe siècle, les peuples musulmans s’interrogent compulsivement sur leur retard par rapport à l’Occident, d’autant que la civilisation islamique a connu une profonde léthargie. En effet, nous avons d’un côté un monde occidental puissant, créatif et conquérant, et de l’autre, un monde oriental faible, désorganisé et replié sur lui-même. Selon lui, cette division a été exacerbée par le fait que d’autres grandes civilisations traditionnelles, comme la Chine, le Japon, la Perse et l’Inde, ont également succombé à la domination occidentale.

Il avance l’idée selon laquelle pour qu’un pays se développe, il doit appartenir à une civilisation ou en créer une – bien que ce phénomène soit rare dans l’histoire. Il identifie quatre piliers essentiels au développement et à la stabilité d’une civilisation, à savoir la sécurité (physique et psychologique), la spiritualité et la religion, l’identification sociale et les besoins énergétiques et physiologiques. Selon lui, ces quatre éléments ont engendré, au Moyen Âge, quatre univers fonctionnels : l’État, la religion, la nation et l’économie. En Europe, leurs interactions symbiotiques ont conduit à la modernité.

Chaque univers a besoin de valeurs spécifiques pour se développer. La disparition de celles-ci peut affaiblir ou détruire l’univers correspondant. Djilali note que l’incroyance et la perte des valeurs religieuses peuvent mener à des croyances de substitution ou à des idéologies matérialistes, sans pour autant combler les fonctions premières de la spiritualité.

Les valeurs de chaque univers, poursuit-il, peuvent être complémentaires ou antagonistes. Leur équilibre ou déséquilibre influence l’harmonie ou la disharmonie de la civilisation, ainsi que sa longévité et sa vitalité. Une rivalité peut se développer entre ces univers, avec des représentants cherchant à maîtriser le pouvoir politique, économique ou religieux.

La force de la raison

La deuxième partie du livre synthétise ces concepts pour décrire le phénomène civilisationnel occidental et le rôle de la pensée humaine dans l’évolution vers la modernité.

L’auteur aborde le rôle de la pensée critique dans l’évolution de la modernité, et explique comment cette dernière agit sur les domaines spirituel, psychologique, affectif et physiologique. Cette dynamique, influencée par des facteurs anthropologiques, sociologiques, culturels et historiques, permet à l’auteur d’explorer la manière dont la trame religieuse a été la matrice d’une culture commune en Europe, menant à l’émergence des États, des nations, et à la révolution industrielle.

Pour lui, « la modernité a émergé de la synthèse de la Religion, de l’État, de la Nation et de l’Économie, modulée par la dimension cognitive ». Il clarifie également les concepts de société, culture et civilisation, et examine les racines psychologiques et psychosociologiques de la modernité.

La troisième partie de l’ouvrage se concentre sur la puissance géopolitique actuelle et l’avenir de la modernité. Djilali s’intéresse à l’héritage contemporain de la modernité et la possibilité d’un monde unipolaire avec un gouvernement supranational. Il réfléchit, en outre, sur les obstacles à cette ambition et les risques d’un reflux de puissance. Quant au dernier chapitre, il esquisse une théorie des dérives pathologiques des civilisations.

Soufiane Djilali souligne que depuis l’apparition de l’écriture, plusieurs civilisations ont émergé, chacune avec des croyances religieuses et un pouvoir centralisé créant un ordre social contrôlé. Il analyse comment les grandes civilisations comme les empires chinois, mongol, perse, romain et musulman ont tiré leur force d’une expansion territoriale, mais aussi comment ils restaient fragiles en raison de leur diversité ethnique et culturelle.

La modernité, selon lui, a transformé la tribu ou l’ethnie en nation et l’empire en État moderne. L’association de l’État et de la nation caractérise l’organisation politique moderne. Djilali explore comment l’esprit matérialiste, opposé à toute spiritualité religieuse, a contribué à la montée de la science et à la déconstruction de l’esprit religieux. Cette transformation a conduit à une désorganisation de la sphère spirituelle et à une hétérogénéité des valeurs culturelles, créant un terrain propice au colonialisme et à l’impérialisme.

L’auteur, à travers une analyse érudite et détaillée, offre une perspective profonde sur l’émergence de la modernité occidentale. En examinant les interactions entre les piliers de la civilisation et les dynamiques historiques, il propose une grille de lecture pertinente pour comprendre et anticiper les évolutions civilisationnelles.

 

article publié sur Le Jeune Indépendant

Le 28 sept. 2024

Oussama Haddad

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