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Stimuler l’économie par la monnaie ? Le pari risqué de la Banque d’Algérie

Temps de lecture : 2 minutes

Stimuler l’économie par la monnaie ? Le pari risqué de la Banque d’Algérie

La Banque d’Algérie a récemment annoncé une baisse de son taux directeur ainsi qu’une réduction du taux de réserve obligatoire imposé aux banques commerciales. Officiellement, cette décision traduit la volonté de stimuler le crédit, d’injecter davantage de liquidités dans l’économie et de soutenir la relance. Dans le langage des économistes, cela signifie donner un « signal » favorable à l’investissement et à la consommation.

Mais au-delà de l’affichage, la question essentielle demeure : une telle mesure est-elle suffisante pour répondre aux véritables blocages de l’économie algérienne ?

Contrairement à ce que laisse entendre la Banque d’Algérie, la difficulté principale de notre économie n’est pas un déficit de liquidités. Les banques disposent déjà de dépôts importants, mais elles n’arrivent pas à les transformer en crédits productifs. Pourquoi ? Parce qu’elles fonctionnent selon une logique de gestion administrative et de prudence excessive, peu tournée vers la prise de risque et l’accompagnement de l’investissement industriel.

Dans ce contexte, réduire le coût de l’argent ne suffit pas à libérer le crédit. C’est comme ouvrir un robinet quand les canalisations sont bouchées.

En injectant davantage de liquidités sans réformes structurelles, le danger est grand que cet argent alimente l’importation, la spéculation et l’économie informelle plutôt que la production nationale. Dans une économie encore largement dépendante de la rente pétrolière et vulnérable à l’inflation, ces flux monétaires pourraient au contraire accentuer les déséquilibres.

Autrement dit, au lieu de financer des usines, des projets industriels ou des start-ups, les crédits risquent de servir à importer des produits de consommation, à gonfler les marges de quelques intermédiaires et à alimenter le marché parallèle.

La relance économique ne peut pas reposer uniquement sur un levier monétaire. L’histoire économique est claire : aucun pays n’a bâti un développement durable uniquement par la politique monétaire. L’Algérie ne fera pas exception. 

Les leviers décisifs sont ailleurs : il faut une vision stratégique et des réformes structurelles. Cela passe par une diversification réelle de l’économie, au-delà de la rente pétrolière et gazière, une réforme profonde du système bancaire, pour en faire un véritable outil de financement du développement, ouvert à l’innovation, au numérique et à la PME, un cadre juridique et fiscal stable, qui rassure les investisseurs et limite l’arbitraire administratif et un accompagnement actif des entrepreneurs nationaux, qui doivent être considérés comme des acteurs essentiels de la souveraineté économique.

Sans cela, les baisses de taux resteront des décisions techniques sans portée réelle, des pansements sur une économie qui souffre de fractures beaucoup plus profondes.

Enfin, il faut souligner la dimension politique de cette décision. Dans de nombreux pays, l’ajustement des taux directeurs s’inscrit dans une politique économique globale et coordonnée. En Algérie, il apparaît davantage comme une mesure isolée, presque symbolique, destinée à envoyer un message d’« ouverture » sans que le reste du système ne suive.

Cette déconnexion entre les annonces monétaires et la réalité économique risque d’affaiblir la crédibilité de la Banque d’Algérie elle-même, qui donne l’impression de chercher des solutions rapides à des problèmes structurels de long terme.

L’Algérie a besoin d’une réforme profonde de son système bancaire, d’une politique économique claire et d’une stratégie nationale de production et de compétitivité.

La prospérité ne viendra pas d’un geste technique. Elle viendra d’une économie réelle, moderne et souveraine. Tout le reste n’est qu’illusion monétaire.

 

Par Zoheir Rouis  

Vice-président de Jil Jadid  

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