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À CHAQUE PÉNURIE LA FUITE EN AVANT : LE RECOURS À L’IMPORTATION

Temps de lecture : 2 minutes

L’Algérie fait face à un paradoxe économique récurrent : limiter les importations au nom de l’autosuffisance, tout en se précipitant vers elles dès qu’une pénurie se manifeste.

L’objectif affiché est de protéger et d’encourager la production locale, mais ce mécanisme traduit moins une stratégie cohérente qu’une réaction conjoncturelle, révélatrice de l’absence d’une véritable planification.

En théorie, la restriction des importations devrait stimuler la production nationale. Mais dans la pratique, les entreprises locales, souvent peu compétitives, peinent à répondre aux besoins du marché.

Leurs difficultés tiennent à des facteurs structurels: manque d’investissement technologique, faiblesse de la logistique, dépendance aux intrants importés, lourdeurs bureaucratiques, et un climat des affaires encore peu favorable.

Ce déséquilibre entre offre et demande se manifeste de manière criante dans certains secteurs stratégiques.

L’exemple récent de l’importation de bus et de pneus est révélateur.

La pénurie de pneus a paralysé une grande partie des automobilistes dans leur mobilité contraints à recourir au transport urbain et rural qui, lui aussi touché par cette pénurie affectant ainsi tous les citoyens et les services essentiels.

Face à cette situation, l’État a dû autoriser l’importation massive de pneus, annulant la politique d’autosuffisance proclamée.

De même, l’achat de bus étrangers pour renforcer le parc national de transport urbain illustre l’incapacité du tissu industriel local à répondre à la demande, malgré des annonces répétées sur la production nationale.

À ce cercle vicieux s’ajoute un facteur aggravant : la rétention et la spéculation orchestrées par certains acteurs économiques.

Dans un contexte de pénurie de pneus ou de véhicules, certains distributeurs retiennent volontairement les stocks pour faire monter les prix, exploitant ainsi la fragilité de la chaîne d’approvisionnement.

Ces pratiques amplifient la crise et mettent en lumière une défaillance du contrôle étatique et de la régulation du marché.

Ce va-et-vient est le symptôme d’un problème plus profond : l’absence d’une stratégie industrielle claire et durable.

La substitution aux importations ne se réduit pas à une interdiction d’importer, elle suppose une montée en puissance progressive du tissu productif local.

Cela implique un accompagnement financier, technologique et réglementaire, une réforme logistique, ainsi qu’un travail sérieux sur la compétitivité et la qualité.

Derrière ces pénuries à répétition et cette spéculation opportuniste, c’est la question du modèle économique algérien qui se pose.

L’État hésite entre deux options : maintenir une dépendance structurelle vis-à-vis de l’étranger, ou engager un investissement massif et patient dans la production nationale.

Or, faute de choix clair, il enchaîne les demi-mesures : restreindre sans préparer, protéger sans investir, importer sans planifier, laissant le terrain libre aux spéculateurs qui aggravent les tensions.

Cette contradiction nourrit un cercle vicieux : plus l’Algérie retarde sa mutation productive et régulatrice, plus elle restera dépendante des importations qu’elle prétend combattre, et plus le marché sera soumis aux manipulations des spéculateurs, aux opportunistes au détriment du citoyen et des services essentiels.

La question qui mérite d’être posée est-ce que le nouveau premier ministre fraîchement nommé aura t-il les coudées franches et sera t-il en mesure de mettre un terme à ce désordre ambiant ?

Ahmed Ouared

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