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Entre boycott et participation : les leçons de l’après-Hirak

Temps de lecture : 3 minutes

La récente annonce par plusieurs formations politiques de leur participation aux prochaines élections législatives marque un tournant significatif dans le paysage politique algérien post-Hirak. Ces partis, qui avaient fait le choix du boycott lors des élections organisées après 2019, reviennent aujourd’hui dans l’arène électorale. Ce revirement appelle une lecture politique lucide, dépassionnée et nécessaire.

Le boycott des élections de 2021 se voulait un acte politique fort. Il visait à maintenir la pression sur le pouvoir et à refuser toute forme de normalisation politique dans un contexte de défiance populaire profonde. Pourtant, avec le recul, force est de constater que cette stratégie n’a pas produit les effets escomptés. Elle n’a ni permis d’imposer une refondation du système électoral, ni favorisé une traduction institutionnelle des revendications portées par le Hirak.

En revanche, ses conséquences pour les partis qui l’ont adoptée ont été bien réelles. En se tenant durablement à l’écart des institutions, ces formations ont progressivement perdu en visibilité, en influence, en moyens et en capacité d’organisation. L’absence a eu un coût politique élevé.

Ce retour à la participation intervient par ailleurs dans un contexte juridique de plus en plus contraignant. La loi sur les partis prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à la dissolution pour les formations qui s’abstiennent de participer à plusieurs échéances électorales successives. Le projet de révision de cette loi, qui a circulé cette année, envisage même de réduire ce seuil. Dans ce cadre, la participation apparaît, pour certains partis, moins comme un choix politique et stratégique assumé que comme une nécessité politique pour assurer leur survie légale et organisationnelle.

Cette évolution traduit aussi une réévaluation implicite du rapport de force. Le boycott, aussi légitime fût-il dans son intention initiale, n’a pas permis de créer un levier politique durable. Il n’a pas débouché sur une recomposition du champ institutionnel, laissant au contraire le terrain libre à la reproduction quasi intacte des équilibres antérieurs. L’absence des forces issues du Hirak dans les institutions a contribué, paradoxalement, à marginaliser les aspirations qu’il portait.

C’est à la lumière de cette expérience que le choix opéré en 2021 par Jil Jadid mérite aujourd’hui d’être réexaminé. À contre-courant, le parti avait fait le pari de la participation, non par adhésion au processus tel qu’il existait, mais par conviction que l’absence institutionnelle ne pouvait être une stratégie durable. Jil Jadid avait alors défendu l’idée que seules des forces politiques issues du Hirak, présentes dans les institutions, pouvaient tenter de transformer les slogans de la rue en propositions concrètes, en travail législatif et en action politique structurée.

Ce choix avait été fortement critiqué à l’époque, notamment par les partisans du boycott, et ce climat de délégitimation avait pesé sur les résultats électoraux du parti. Aujourd’hui, le retour à la participation de ceux qui avaient dénoncé cette stratégie tend à confirmer, au moins en partie, la pertinence de cette analyse : l’absence institutionnelle n’a pas renforcé l’opposition démocratique, elle l’a affaiblie.

Pour autant, il serait erroné d’interpréter cette participation annoncée comme un signe de confiance retrouvée dans le processus politique. La participation électorale, dans le contexte post-Hirak, ne signifie ni normalisation du champ politique, ni adhésion aux règles du jeu existantes. Elle peut aussi être un acte politique critique, conditionnel, visant à rouvrir des espaces de confrontation démocratique.

C’est dans cet esprit que Jil Jadid, à l’issue des travaux de son Conseil national du 19 décembre 2025, a annoncé sa participation de principe aux prochaines élections législatives, tout en appelant à des mesures préalables d’apaisement politique. Ouvrir réellement les espaces politiques et médiatiques, garantir les libertés publiques et individuelles, libérer l’ensemble des détenus d’opinion et assurer un processus électoral intègre, transparent et crédible sont des conditions indispensables à toute dynamique de participation populaire.

Cela implique notamment l’ouverture du dossier de la révision de la loi électorale et une réforme en profondeur des prérogatives et de la composition de l’Autorité nationale indépendante des élections, afin de garantir son indépendance effective et sa neutralité totale.

L’enjeu, aujourd’hui, dépasse la simple question de la participation ou du boycott. Il s’agit de savoir si les forces de l’opposition démocratique sauront tirer les leçons du passé, agir de manière concertée et défendre des exigences communes pour redonner un sens politique à l’acte électoral. Sans cela, l’abstention populaire continuera d’être l’expression dominante d’une défiance profonde et durable.

 

Zoheir ROUIS

Vice président de JIL JADID

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