En Algérie, la coexistence d’un marché officiel des devises, piloté par la Banque d’Algérie, et d’un marché informel est devenu le cadre réel de formation des taux de change. Cette dualité n’est pas un simple effet de bord : la politique monétaire erratique et insuffisamment crédible, et un cadre de contrôle des changes restrictif créent de facto les conditions d’émergence et de domination du marché parallèle, qui influence les anticipations et les prix intérieurs bien plus que le cours bancaire. La confiance dans notre monnaie est entamée.
De quoi le square est-il le nom ? au square Port-Said à Alger, on rencontre tous les jours et à tous les coins de rue des acheteurs et des vendeurs de devises qui échangent à chaque minute des volumes de devises à un taux du jour déterminé par le jeu de l’offre et de la demande, tout cela dans un cadre totalement informel. Il existe même des sites internet qui publient la cotation au jour le jour. Ne serait-ce pas la définition d’un marché libre ?
Non loin de là, avenue Franklin Roosevelt à Sidi M’Hamed, siège la Banque d’Algérie. Parmi ses missions, figurent la stabilité monétaire et l’organisation du marché des changes. Les efforts et le volontarisme de l’institution sont manifestes cependant nous assistons depuis 2021 à une flambée spectaculaire de l’écart entre le taux de change officiel et le taux informel. Bien qu’apparu dès le début des années 1990 suite aux déboires économiques de la décennie précédente, cet écart s’est creusé structurellement par à-coups à l’occasions de chocs économiques souvent liés au même sous-jacent : la rente des hydrocarbures.
Il est difficile de dire lequel des deux reflète le mieux la réalité monétaire et économique du pays néanmoins les réactions de la Banque d’Algérie constituent des indices frappants. Les mises à jour du taux officiel tendent souvent dans le même sens, à savoir la dépréciation tendancielle du dinar face aux principales devises étrangères et les mesures d’encadrement tous azimuts sur les opérations en devises traduisent des anticipations inquiétantes.
Les mesures annoncées ici et là pour conjurer ce phénomène sont souvent conjoncturelles et s’attèlent à corriger localement des symptômes d’un mal plus profond. En effet, c’est le socle même de notre économie qui chavire, la crise monétaire apparente n’en est qu’une dérivée et elle s’inscrit dans une boucle de dépendances maintes fois décrite et décriée, y compris par le gouvernement actuel.
Une forte dépendance aux hydrocarbures
Notre pays tire 90 % de ses recettes en devises de l’exportation de gaz et pétrole. Une chute des cours mondiaux du pétrole conjuguée à une baisse des exportations réduit les devises disponibles et affaiblit le dinar. Des études économétriques montrent une corrélation directe : un plongeon des prix du pétrole entraîne une dépréciation du dinar, avec un effet asymétrique souvent amplifié.
Absence de diversification économique
En dehors des hydrocarbures, notre économie exporte très peu (7 Mds$ en 2024) tandis que les importations de biens de consommation et matières premières augmentent mécaniquement sous l’effet de la croissance démographique, générant une pression permanente sur les réserves de devises étrangères.
Le secteur industriel, peu développé, représente seulement environ 4 % du PIB, ce qui limite la résilience face aux chocs externes.
Faibles réserves de change et déficit budgétaire
Les recettes pétrolières en baisse et les dépenses publiques élevées (déficit prévu de 20 % du PIB en 2025) érodent les réserves de change. Pour financer ces déficits, l’État recourt souvent à l’émission monétaire, ce qui alimente l’inflation et déprécie le dinar.
Politique de change administrée et divergence des taux
La Banque d’Algérie maintient un taux officiel fixe qui ne reflète pas l’évolution réelle des fondamentaux cités précédemment, souvent plus élevé que les taux du marché réel, alimentant un écart structurel (~+80 %) avec le marché noir. Cette rigidité entraîne un manque de confiance et encourage les anticipations de dévaluation.
Développement du marché noir des devises par substituion
Les consommateurs et les entreprises, privés de devises officielles suffisantes, se tournent vers le marché informel, ce qui alimente une pression accrue sur le dinar. Les montants importants captés par les importateurs et les voyageurs (automobiles, tourisme, hadj, soins et thésaurisation) accentuent les pénuries en devises.
Inflation locale et création monétaire
Pour couvrir les dépenses publiques, la Banque imprime davantage, augmentant la quantité de dinars sans croissance équivalente en biens et services, ce qui crée de l’inflation. L’inflation réduit la valeur interne du dinar et détériore son attractivité externe.
Crédibilité érodée et anticipations négatives
Les fluctuations entre le marché officiel et parallèle, ainsi que les mesures administratives brutales, ont réduit la confiance des acteurs économiques, favorisant la spéculation sur les possibles futures dévaluations.
En conclusion, la chute du dinar algérien est un phénomène structurel : association d’une forte dépendance aux hydrocarbures, d’un manque de diversification, d’une politique monétaire expansive, d’un marché de change rigide et d’un marché noir dominant.
Les solutions doivent être de même ordre, structurelles et profondes. Les chantiers sont nombreux :
Ces chantiers ne sont pas à mener en silo et de manière séquencée, nous avons besoin d’une vision globale qui s’appuie sur un système de gouvernance transparent et démocratique car sans l’adhésion de tous les acteurs, la confiance et l’implication feront défaut et les tentatives de réformes seront avortées en effets d’annonces.
La confiance est constituant fondamental d’une monnaie stable et d’une économie robuste, hélas, elle ne se décrète pas à coups de textes de lois et de sanctions. Elle se cultive.
Le 25 décembre 2025, Mouloud IZEM
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