Zoheir Rouis. Président de Jil Jadid Europe : «Le régime est responsable de la situation actuelle et de tout dérapage éventuel»

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Êtes-vous satisfait de la mobilisation citoyenne déjà historique contre le 5e mandat du président Bouteflika ?

La mobilisation citoyenne en cours contre le régime, ses hommes et ses pratiques, vient de démentir, de manière spectaculaire, tous ceux qui ergotaient à longueur de journées que les Algériens ne s’intéressent pas à leur destin et qu’ils ne sont que spectateurs d’une situation sur laquelle ils n’ont aucune prise. Or, de telles inepties ne sont que le révélateur de l’abîme qui sépare le peuple de ses politiques et autres commentateurs.

A Jil Jadid, et parce que depuis notre création en 2012, nous avons opté pour une stratégie de proximité renforcée avec les Algériens, que nous rencontrons presque chaque week-end à l’intérieur du pays comme au sein de notre diaspora, que nous savons que les Algériens n’en peuvent plus de ce régime, de son autoritarisme, et de ses pratiques de hogra et de corruption. C’est sans cesse que nous alertons sur cette situation explosive dont seul le régime est responsable.

Et c’est sans cesse que nous agissons pour que l’opposition se renforce et que les conditions d’une synergie soient réunies pour qu’ensemble nous puissions offrir à notre peuple une alternative crédible pour engager l’Algérie sur la voie du changement pacifique pour l’établissement d’un Etat de droit. La mobilisation citoyenne en cours nous renforce davantage dans cette voie.

Pensez-vous que la manifestation de ce dimanche a réussi son pari d’unifier la communauté nationale établie à l’étranger, particulièrement en France, autour d’un seul mot d’ordre ?

Dès lors qu’il s’agit de l’Algérie et de son destin, la diaspora algérienne s’est toujours spontanément mobilisée, en particulier lorsqu’il s’agit de défendre son destin démocratique et la volonté du peuple de se libérer de ce régime qui a trop longtemps étouffer les Algériens.

À Jil Jadid Europe, nous avons fait le pari de trouver une unité d’action autour de ces deux seuls mots d’ordre que sont «Non au 5e mandat. Pour un Etat de droit». Et c’est la raison pour laquelle nous avons agi pour réunir tous ceux qui veulent agir de concert (associations, représentations de partis politiques algériens, femmes et hommes engagés, etc.) avec le but d’organiser cet évènement et afin de démontrer à nos concitoyens en Algérie que nous sommes solidaires et que nous voulons, nous aussi, prendre notre part active de ce combat pour mettre fin à cet autoritarisme d’un autre âge et à cette indignité infligée aux algériens, mais aussi pour apporter aussi notre pierre à l’édifice démocratique qui devra advenir.

Ce sont là les points d’appui sur lesquels nous continueront à agir pour que la diaspora trouve les canaux par lesquels elle pourra efficacement agir pour le pays dans cette phase historique et cruciale à la fois.

Vous faites partie justement de ceux qui ont initié cette action unitaire menée par plusieurs organisations de la société civile et de partis politiques contre la «continuité» du système. Envisagez-vous d’autres actions dans ce sens ?

A Jil Jadid, mais aussi plus largement avec Mouwatana, nous avons fait le pari de la synergie des actions et de la persévérance. En septembre et octobre dernier, avec Mouwatana nous avons organisé plusieurs rassemblements au sein de notre diaspora, à Lyon, Marseille, Paris, Genève, Montréal, etc., et cette fois-ci nous réitérons avec d’autres organisations à travers les grandes villes d’Europe et du Canada.

Nous sommes donc dans une dynamique qui ne pourra que se renouveler selon des formes qui seront décidées par les acteurs concernés pour expliquer de manière pédagogique les enjeux du moment mais aussi pour permettre à notre diaspora d’exprimer elle aussi sa solidarité citoyenne et de médiatiser à l’international ce mouvement pour la citoyenneté et la dignité qui permettra à nos concitoyens en Algérie de se sentir soutenus et accompagnés.

Dans le contexte actuel, comment voyez-vous la suite des événements jusqu’à l’élection présidentielle du 18 avril ?

Le bon sens et l’amour du pays, s’ils existaient un tant soi peu, chez les décideurs actuels auraient voulu qu’on n’en arrive pas à cette situation et qu’à tout le moins maintenant que le peuple exige le départ de ce régime, qu’ils organisent dans l’ordre une sortie par le haut pour que le pays ne revive pas de nouvelles heures sombres.

De ce point de vue là, le régime est responsable de la situation actuelle et de tout dérapage éventuel. Il est responsable de la vie des femmes et des hommes de ce pays et de ses biens. Objectivement, le régime a consommé toutes ses cartes.

Sa seule alternative est désormais de mettre fin à cette comédie tragique du 5e mandat pour libérer le pays et permettre d’organiser une élection présidentielle ouverte, qui pourrait dégager un homme de consensus par les urnes.

Celui-ci aura à mener une transition démocratique destinée à remettre sur pied les institutions du pays de manière démocratique et à préserver nos ressources pour amortir au maximum les chocs économiques et sociaux auxquels nous allons fatalement faire face compte tenu de ce que nous aura laissé ce régime.