Covid-19 : Situation des entrepreneurs

Covid-19 : Situation des entrepreneurs

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Dans le contexte de la crise sanitaire du Covid-19, l’économie nationale a notablement ralentit du fait des mesures de confinement sur le territoire national et à travers le monde concomitamment à une chute du prix du baril.

La situation économique et financière des acteurs de l’économie nationale est préoccupante, parmi eux, les chefs d’entreprise qui doivent faire face aux conséquences de la crise sur leur activité. Afin de mieux comprendre leur situation, leurs préoccupations et les mesures de soutien dont ils ont besoin, nous avons mené une série d’entretiens avec cinq entrepreneurs, de la zone métropolitaine d’Alger.

La situation 

L’activité économique était déjà ralentie depuis le début de la crise politique que traverse le pays depuis début 2019, Bilal M à la tête d’une entreprise de BTP de 12 salariés témoigne « les délais de paiement des prestations d’ouvrage se sont allongé », son entreprise travaille en sous-traitance sur un chantier de logements sociaux COSIDER, les budgets publics sont bloqués depuis des mois. De même Amine A, dirigeant une entreprise qui vend des fournitures bureautiques et informatiques constate une chute de 40% de son chiffre d’affaires en 2019. Ainsi, la crise sanitaire vient accentuer une tendance de ralentissement global de l’activité.

Face aux inquiétudes qui montaient dès les premières semaines de mars, Bilal M n’a pas attendu l’annonce de confinement partiel du gouvernement, en effet, il a libéré ses salariés dès le 14 mars. Le confinement annoncé et observant une ruée vers les commerces d’alimentation, il a pris la décision de verser une avance à ses salariés. Un montant qui dépend de leur situation familiale que Bilal connaît du fait de sa proximité avec ses collaborateurs.

Désormais, il envisage les congés sans solde pour les semaines à venir car la trésorerie de son entreprise ne pourra pas tenir ainsi plusieurs mois. Karim B, dirigeant d’une entreprise dans le numérique a lui fait appel aux congés payés et au télétravail avec un rythme de 2 jours par semaine en congé pour 3 jours travaillés, cependant, l’activité manque c’est pourquoi il a débloqué un budget formation pour proposer à ses salariés des MOOC.

Les chefs d’entreprises aménagent donc des solutions avec leurs propres ressources et assument partiellement ou totalement le volet social. Karim A rappelle ainsi que si la crise durait plusieurs mois, les entrepreneurs seraient obligés de piocher dans leurs dividendes pour soutenir la trésorerie de leurs sociétés. Ils consommeraient ainsi des avoirs personnels constitués après plusieurs années de travail.

Quelles sont leurs craintes et les risques ?

Il nous est apparu que les petites et moyennes entreprises disposaient d’une expérience indéniable dans la gestion de crise, comme en témoignent ces récits. Cette capacité de résilience semble résulter de la nature même de notre économie, à savoir une activité instable qui dépend d’un unique et grand pourvoyeur de projets : l’Etat. Les chefs d’entreprise portent plusieurs casquettes puisqu’ils gèrent à la fois le volet économique, financier et social dans leurs activités.

La trésorerie est mobilisée pour aider les salariés à traverser la crise sanitaire. Au-delà de la survie de l’entreprise, les conséquences de son épuisement seraient un manque de ressources pour centaines de milliers de travailleurs. Amine A avait anticipé cette problématique dès 2019 puisqu’il a acheté une activité dans la restauration pour pallier le ralentissement de sa société de matériel informatique. Cette stratégie de dilution du risque rappelle les « Zaibatsu » japonais, des conglomérats d’entreprises dans différentes activités, de telle sorte à ce qu’une entreprise d’un secteur mal portant serait compensée par les autres activités.  Aujourd’hui, Amine est confronté à l’arrêt total de ses deux entreprises.

Au niveau macroéconomique, le risque est de voir le tissu des PME se détériorer alors que la stratégie économique nationale aspire depuis des décennies à se diversifier pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures. Chaque PME a accumulé un savoir-faire et un potentiel de croissance appréciable qui pourraient concrétiser cette ambition. Karim B redoute et ne souhaite en aucun cas se séparer de ses collaborateurs, des talents qu’il a du mal à recruter.

Les mesures d’urgence nécessaires 

  • Mettre en place des missions d’informations fiables et réactives à destination des entreprises et des salariés
  • Engager des discutions avec les syndicats patronaux et les syndicats de travailleurs
  • Déblocage des budgets d’investissements publics bloqués pour régler les retards de paiement aux entreprises concernées, notamment dans le secteur BTP
  • Report ou suppression des charges patronales et salariales
  • Soutenir la trésorerie des PME à travers des dispositifs de prêts à taux préférentiels
  • Augmenter le nombre de congés payés autant que le confinement durera
  • Décréter le Covid-19 comme cas de force majeure

 

Nassim BENDALI

Mouloud IZEM

 

Commission économie

Conseil scientifique 

Jil Jadid