Sortir du confinement lié à l’épidémie Covid 19: Quand et Comment ?

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Le confinement durant une épidémie comme celle du COVID-19, a comme but principal de ralentir la propagation massive et rapide du virus pour éviter qu’il ne contamine une forte proportion de la population simultanément. En effet, cette éventualité risque d’engendrer une augmentation aigue de cas sévères nécessitant une prise en charge hospitalière entrainant une saturation des structures hospitalières. Le but du confinement est donc d’aplatir la courbe épidémique et de l’étaler dans le temps.

Cependant, un confinement ne peut être indéfini et une sortie doit être envisagée tôt ou tard. Plusieurs questions se posent alors pour le déconfinement : Quels objectifs ? Quand et à quel rythme ? Quelles méthodes ? Quels outils ?

A l’heure actuelle il est difficile de répondre à ces questions avec exactitude, toutefois plusieurs pistes existent et nécessitent une réflexion.

Quels objectifs ?

Lors du déconfinement, deux objectifs peuvent être visés : se donner les moyens d’isoler les porteurs du virus pour empêcher ou du moins ralentir une propagation inéluctable du virus. Durant l’épidémie du SRAS CoV1 de 2003, les foyers épidémiques ont pu être isolés et la propagation du virus a été limitée. De ce fait la majorité de la population de la planète n’a pas connu le SRAS CoV1 et est démunie d’anticorps  vis-à-vis de lui. Pour l’épidémie actuelle du SRAS CoV2, la stratégie  est différente puisque le virus s’est déjà propagé à l’ensemble de la planète. Cependant, certains pays comme la chine ou la Corée du sud ont adopté la même stratégie que pour le CoVid1, c’est-à-dire isoler les foyers et empêcher coute que coute la propagation du virus. Mais devant la mondialisation et la large diffusion du virus, cela semble être difficilement envisageable de contenir les foyers du virus.

L’espoir résiderait donc dans le développement d’une immunité vis-à-vis du virus  dans la population. Celle-ci peut se faire soit par un vaccin ou directement suite à une infection par le virus. Si pour l’heure aucun vaccin n’est encore disponible (pas avant un an selon certains spécialistes), une diffusion progressive du virus semble être la seule façon pour acquérir l’immunité (même si les données actuelles ne permettent pas d’affirmer que l’immunité soit définitive) au moins que la diffusion du virus s’estompe par des mécanismes qu’on ne connait pas.

Quand et à quel rythme faut-il déconfiner ?

Théoriquement le déconfinement peut être envisagé dès que la courbe des cas des infectés et des décédés par le COVID-19 s’inverse, en d’autres termes lorsque le nombre de cas n’augmente plus de manière significative. Cependant, le risque est celui d’un effet rebond dès la levée du confinement puisque le virus peut circuler de nouveau dans une population en mouvement avec des interactions accrues. Par conséquent, un nouveau pic épidémiologique peut resurgir et poserai les mêmes contraintes que le premier.

De ce fait, le déconfinement doit se faire progressivement sur plusieurs étapes selon une stratégie maitrisée. Cette stratégie dépend des moyens disponibles et des facteurs propres de chaque pays et donc la durée peut s’étaler de quelques semaines à plusieurs mois selon les méthodes envisagées et les outils engagés.

 

Quelles méthodes pour le déconfinement ? 

Géographique : il s’agit de déconfiner les régions qui n’ont pas enregistré de nouveaux cas récents. En principe, un délai de 30 jours sans nouveaux cas semble suffisant pour que les individus ne soient plus contaminants mais parfois ce délai est dépassé. La région déconfinée peut reprendre une vie locale normale (ouverture des écoles, usines, transport…) mais sans contact avec les autres régions dans un premier temps. Après cette première phase et en l’absence de nouveaux cas déclarés, des contacts avec les autres régions indemnes selon les mêmes critères peuvent être autorisés. Cependant les rassemblements de masses ne devront être autorisés qu’en dernier lieu.

Selon l’âge et le terrain : Un risque de surmortalité a été constaté chez les personnes âgées ou sujets présentant à des co-morbidités. Dans cette méthode, ces catégories resteront confinées alors que les sujets jeunes en bonne santé pourront reprendre une vie normale en attendant le développement d’un vaccin, d’un traitement efficace ou quand la chaine de transmission aura été totalement maitrisée, associée a une immunité chez 70-80 % des personnes.

Dépistages à grande échelle : l’application de cette méthode varie en fonction du test utilisé. Il existe deux types de  tests : PCR pour détecter les individus porteurs actifs du virus et les tests sérologiques pour détecter un éventuel précédant contact de l’individu avec le virus (contact récent par les IgM et ancien par IgG).

Dans le cas de l’adoption du dépistage par PCR, l’objectif dans le déconfinement est d’isoler les personnes porteuses du virus et donc potentiellement contaminantes alors que les personnes non porteuses pourront se déplacer dans les lieux publics et communs. Quant au dépistage sérologique, la stratégie consiste à laisser les personnes séropositives, et donc potentiellement immunisés, en libre circulation alors que les personnes séronégatives seraient protégées par de mesures spécifiques avec une surveillance régulière.

Quels outils ?

Port généralisé des masques : Le port de masque a un double intérêt : limiter l’inhalation du virus et limiter l’expulsion du virus lors de la respiration et la parole. La généralisation du port du masque pourrait constituer l’une des meilleures méthodes pour limiter la propagation du virus et donc serait à adopter pour réussir le déconfinement. Cependant les types de masque diffèrent et ne peuvent être utilisés de la même façon pour chacun des individus.

Distanciation sociale : Elle consiste à laisser une barrière de sécurité d’au moins un mètre entre les individus pour limiter la contamination. Cette mesure a un intérêt certain pour limiter la propagation du virus

Tracking des déplacements : Plusieurs pays ont adopté dès le début de l’épidémie un pistage par smartphone des déplacements des patients infectés par le Covid-19 durant la période d’avant le diagnostic. Ce pistage permet d’isoler les personnes qui sont entrés en contact avec le patient durant cette période de 15 jours de manière préventive. Ce système permet d’être proactif vis-à-vis de la propagation du virus.

Dépistage rapide de masse : Des tests de dépistage sérologiques rapides sont en cours d’homologation et de fabrications. Ces tests permettront de tester rapidement l’ensemble de la population afin de connaitre l’état immunitaire de chaque individu et de s’adapter à chaque cas. Les personnes immunisées seront libres de circulés alors que les personnes non immunisées seront surveillées de près et limités dans les déplacements.

Comment réussir le déconfinement en Algérie ?

En Algérie, à l’heure actuelle il est difficile de se prononcer sur la date exacte pour débuter le déconfinement. La phase de plateau n’est pas encore atteinte et l’émergence de nouveaux foyers du virus ne cesse de s’accroitre. Cependant dans un but d’anticipation, une stratégie de déconfinement doit être réfléchie. Aux regards de nos caractéristiques, quelques pistes sont à privilégier : port généralisé et obligatoire des masques, distanciation sociale, dépistage sanguin massif ou sur un échantillon représentatif de nos populations dans des wilayas du pays …

Dès l’identification de régions indemnes de nouveaux cas après une certaine période (15 jours à 1 mois), le déconfinement peut être envisagé. Celui-ci doit commencer par l’ouverture des petits commerces et des moyens de transport puis progressivement suivi par l’ouverture des écoles et enfin par l’autorisation de grand rassemblement.

D’autre part le confinement par tranche d’âge peut être envisagé mais ne sera pas de grande efficacité puisque la composition de la société algérienne fait en sorte que les personnes âgés ou vulnérables vivent en général sous le même toit que les sujets jeunes. De ce fait, un confinement sélectif de ces catégories sera d’intérêt limité puisqu’elles resteront en contact indirect avec l’extérieur via les autres membres de la famille.

Le port généralisé des masques semble une solution puisque le masque a tissu, s’il est mis correctement, semble être suffisant pour éviter l’expulsion du virus. Ce dernier peut être manufacturé aisément et rapidement en Algérie et donc contribuera à ralentir la propagation du virus.

D’autre part, l’Algérie dispose d’assez de laboratoires d’analyses médicales avec des automates de sérologies. La généralisation des tests sérologiques pourrait être envisagée, le gouvernement algérien annonce d’ailleurs produire 40 000 à 80 000 tests par jour dès la fin mai.

Dans tout les cas, les organismes sanitaires doivent être en vigilance accrus pour le dépistage tout nouveau foyers et une enquête épidémiologique doit être faite pour chaque nouveau cas détecté.

Au total le déconfinement doit se faire de façon prudente dès la stabilisation des chiffres épidémiques. Seule la combinaison de différentes méthodes avec plusieurs outils permettra un déconfinement réussi. Ce dernier le sera uniquement en l’absence d’un pic de rebond qui pourrait être plus sévère et plus désastreux que le premier pic.

 

Dr Amir Mahdjoubi

Membre la commission santé du conseil scientifique

Jil Jadid