Faisons le Gazoduc NIGAL, bâtissons l’Afrique prospère.

Faisons le Gazoduc NIGAL, bâtissons l’Afrique prospère.

Temps de lecture : 4 minutes

« Tout ce qui stagne sera piétiné. » dit le proverbe touareg, c’est un adage que nous pouvons parfaitement appliquer au projet du gazoduc transsaharien, dit le NIGAL. Il devait relier les gisements pétroliers et gaziers du Delta du Niger à Hassi R’Mel en passant par le Niger. D’une longueur de 4 128 km, il aurait une capacité de 30 milliards de mètre cubes par an à destination de l’Europe via notre réseau méditerranéen. Aujourd’hui, le projet est à l’arrêt, n’importe quel observateur sérieux, qu’il soit nigérian, nigérien ou algérien déplorerait cet état de stagnation. Les enjeux sont énormes, considérant les réserves immenses du Nigeria, la stagnation de notre production et la concurrence rude des acteurs non africains sur le marché européen.

En termes techniques, nous pouvons le comparer au West-East Gas Pipeline II chinois d’une capacité de 17 milliards de mètre cube avec un diamètre de 40 pouces. Son coût total, après sa dernière phase de renforcement en 2009, était de 5.7 Milliards pour 4 000 km ; dont 1 700 à travers le désert de Gobi qui présente à certains égards les mêmes conditions techniques que le Sahara. Cependant, le NIGAL nécessitera davantage de stations de compression que le gazoduc chinois, un diamètre supérieur ainsi qu’un coût de sécurisation plus élevé.  Le coût total avait donc été estimé à 13 milliards $, financé entièrement par les 3 pays partenaires, à 90% par Sonatrach et Nigérian National Petroleum Corporation et 10% par la compagnie pétrolière du Niger.

La genèse du projet remonte à 1980, il avait recueilli un avis favorable des trois pays partenaires ainsi que de l’Europe, le marché de destination. Depuis rien n’a été réalisé et le Nigeria ne trouvant pas de débouchés pour toute sa production de gaz associé à ses puits de pétrole, celui-ci est tout simplement brûlé. C’est à la fois un gâchis économique pour le Nigeria et pour nous mais aussi un gâchis environnemental.

Au-delà des intérêts immédiats et individuels pour les trois pays voisins, ce gazoduc est un projet absolument structurant autour duquel la coopération entre notre pays et la région de la CEDAO se trouvera renforcée. En effet, il ne s’agit pas seulement de ce gazoduc, qui doit se faire nécessairement, mais aussi de liaisons routières, d’une transsaharienne ferroviaire que nous espérons tous et d’un câble internet. Ces liaisons de coopération seront les premières en leur genre puisqu’elles viendront pour la première fois connecter des pays africains entre eux par des liens forts et vecteurs de prospérité. Nous devons accroître la coopération intra-africaine !

Quels sont donc les freins ? On nous dira que la région est instable, que le projet sera l’objet de sabotage de groupes dissidents présents dans la région et que c’est compliqué et que c’est difficile parce que c’est compliqué… Il n’en est rien, si nous voulons nous assoir entre africains pour construire notre avenir dans la confiance et l’intérêt mutuel, aucune partie ne sera lésée, les retombées économiques profiteront à tous, autant aux habitants du delta du Niger qu’aux touareg du nord du Mali. Les populations du delta du Niger ont trop souffert du comportement peu scrupuleux de compagnies pétrolières étrangères, leur intérêt est celui du gouvernement fédéral nigérian et celui de l’ensemble de la région. Nous devons construire un partenariat gagnant-gagnant autour de ce projet et ne laisser aucune partie de côté.

Quelle est la situation aujourd’hui ? En 2018, le marché européen des 28 a importé 450 milliards de mètres cubes de gaz naturel, dont une partie croissante de gaz liquéfié américain. De notre côté, en 2019, nous avons produit 86 mds de mètre cube et avons exporté 42 mds vers l’Europe en comptant la Turquie. Sachant qu’en 2010, notre part du marché européen s’élevait à 12%, nous sommes donc en retrait et cela risque de continuer. En effet, les prévisions de la croissance de notre consommation intérieure nous situent à 75 mds en 2030, c’est à dire demain. Pour continuer à exporter 40 Mds de mètre cube, il faudra donc augmenter notre production de 82 à plus de 120 milliards de mètre cube, chose très difficile à concevoir. Il serait donc faux et absurde de croire que ce projet transsaharien menacerait notre part de marché en Europe. Ce partenariat donnera toute l’envergure à Sonatrach pour devenir un acteur de poids dans l’exploitation du gaz et sera un gage de sécurité pour notre propre avenir énergétique.

Nous stagnons depuis 40 ans, ce que ne nous faisons pas, nous africains, d’autres le feront à nos dépens. Ce projet souffre de notre manque de vision, l’avenir de notre pays, de nos voisins et de notre continent tout entier se conçoit dès aujourd’hui. Un tel projet est structurant dans plusieurs domaines, l’économie, la stabilité, la sécurité énergétique et la technologie. La réalisation d’un gazoduc requiert des savoirs faire dans la production des tubes, des stations de compressions et de toute l’infrastructure d’exploitation. Les trois compagnies nationales sont capables de relever ce défi formidable, des dizaines d’entreprises seront mises à l’œuvre à travers les trois pays. Notre industrie sidérurgique aura un rôle à jouer et Sonelgaz un autre. Enfin, tout cela se fera à condition que nous résolvions les problèmes sécuritaires de la région à travers la recherche de l’intérêt mutuel et inclusif. Cela dépend de nous, africains.

L’Algérie doit relever le défi.

 

Mouloud IZEM

Responsable de la commission Économie et Finances

Jil Jadid

 

 

Références :

« Coalition Maroc-Nigéria : l’Algérie appelée à réagir » par Yacine Merzougui, Bourse-dz