Conseil Scientifique

IA, pour Intelligence Algérienne

Temps de lecture : 13 minutes

1.     L’accélération de l’Histoire

Pour étudier les enjeux de l’IA pour notre pays, commençons par nous poser la question suivante : L’IA a t-elle un impact en Algérie ?

L’IA peut avoir un impact positif en Algérie, mais elle est encore en cours d’exploration. Les entreprises algériennes commencent à l’utiliser dans leurs activités quotidiennes et à l’explorer pour leurs applications commerciales et industrielles. Par exemple, l’IA peut être utilisée pour améliorer les systèmes de logistique et de gestion des stocks, pour optimiser les processus commerciaux, pour améliorer l’efficacité des services publics et pour améliorer la sécurité et l’efficacité des réseaux informatiques. De plus, l’utilisation de l’IA peut aider à améliorer la qualité de vie des citoyens en fournissant des services plus personnalisés et en améliorant l’efficacité des systèmes de santé et de sécurité. Cependant, l’IA est encore à ses balbutiements en Algérie et il reste encore beaucoup à faire pour faciliter son adoption et assurer son développement. Il est donc important que les décideurs algériens prennent des mesures pour promouvoir et soutenir le développement de l’IA et pour encourager les investissements dans le domaine. Enfin, l’Algérie peut également bénéficier de l’IA en développant des solutions innovantes qui peuvent aider à résoudre des problèmes locaux spécifiques. Par exemple, l’utilisation de l’IA peut aider à améliorer l’efficacité de la croissance économique, à améliorer la santé et le bien-être des citoyens et à améliorer la qualité des services publics.

 

On peut penser que la réponse ci-dessus est issue d’un article ou d’un livre scientifique, mais en réalité elle est générée par le robot ChatGPT, le dernier né de la révolution IA (Intelligence Artificielle). En réalité, ce robot n’apporte pas réellement de nouveautés, si ce n’est utiliser des techniques bien connues depuis une décennie. La nouveauté consiste à les faire accéder au grand public. ChatGPT est un robot type agent conversationnel développé par OpenIA, initialement une organisation à but non lucrative, dotée tout de même d’un budget de 100 Millions$. Ensuite transformée en entreprise lucrative, qui a été valorisée à 29 Milliards$ en 2023.

Ce robot se base bien-sûr sur l’IA, qui est en fait un ensemble de techniques permettant d’automatiser ou d’accélérer le traitement de certaines tâches répétitives. L’apprentissage se fait généralement en se basant sur des corpus des données importants. Le principe (ultra simplifié) est le suivant : Imaginez que vous souhaitiez apprendre à un enfant de répondre à ‘merci’ par ‘de rien’. En le répétant des centaines de fois, et peut-être dans des situations différentes, l’enfant finira par apprendre à dire ‘de rien’. On pourra aller un peu plus loin en variant les réponses et en tenant compte d’autres formulations de ‘merci’. Le robot ChatGPT fait (à peu près) la même tâche : à partir d’un début de phrase ou de question, il prédit les mots (ou les groupes de mots) qui s’en suivent. Sa très grande force de prédiction résulte d’un apprentissage réalisé sur des milliards et des milliards de pages web.

Les applications de l’IA ne se résument pas à simplement ce type de bots mais à des centaines d’autres applications, notamment :

  • Reconnaissance faciale : utilisée pour l’identification, et dans la surveillance de masse.
  • Reconnaissance d’écriture : pour le tri automatique des colis et lettres, ou encore la lecture des plaques d’immatriculation pour les radars.
  • Reconnaissance et analyse des sentiments, notamment pour prédire des comportements suspects.
  • Traitement et analyse des images : pour la météo, analyse de mouvements de foule, analyse des images satellites, détection des cancers en radiologie, …
  • Rédaction et traductions automatiques.
  • Prise de décisions automatiques : pour les traders par exemple.
  • Voitures / drones autonomes.
  • Les réseaux sociaux : marketing ultra ciblé et algorithmes de recommandation.
  • Les moteurs de recherches.
  • … etc

L’IA est certainement une des innovations majeures de l’histoire de l’humanité. En l’espace d’au moins de 20 ans, on a assisté à une explosion des nouveaux usages et l’essor de nouveaux domaines, et c’est principalement dû à deux facteurs :

  • Augmentation exponentielle des données (moteurs de recherche, Internet des Objets, réseaux sociaux, …, et bientôt la 5G).
  • Couplée avec des puissances de calcul de plus en plus croissantes et accessibles (moins de 1000€ la carte de calcul).

L’humanité a connu beaucoup d’innovations qui ont façonné la suite de l’histoire : l’écriture, l’imprimerie ou l’électricité … mais aucune d’elles n’a eu à la fois un impact aussi large dans tous domaine de nos vies économiques, politiques, militaires, sociétales, … Et aussi un impact aussi rapide en à peine deux décennies. C’est une révolution qui change l’ordre mondiale établi. L’illustration de cette fulgurante ascension est la naissance de nouveaux acteurs économiques où leur influence dépassent les frontières et défient les états.

 

2.     Les états contre GAFAM-BATX

Au début des années 2000, les grandes compagnies du numérique et de l’IA : GAFAM (Google, Amazone, Facebook, Apple et Microsoft), et maintenant les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xioami) n’étaient pas ou peu connues par le grand publique. Depuis, leur croissance se mesure à la taille des états.

En 2022, les chiffres d’affaires des GAFAM avoisinent les 1400 milliards$. Soit 7 fois le PIB de l’Algérie, ou 4 fois les PIB de tous les pays du Maghreb. Si on résonne en termes de capitalisation boursière, les GAFAM cumulent le chiffre vertigineux de 10000 Milliards$ (la moitié du PIB de la Chine, ou encore 3 fois le PIB de la France).

 

Fig1 – PIB des 11 plus grandes économies mondiales et capitalisation boursière des GAFAM-BATX en 2022 (et en milliards $)

 

La puissance des acteurs de l’IA n’est pas ‘que’ financière mais ils interfèrent avec les missions des états et des démocraties. Prenons le cas de l’agent conversationnel ChatGPT. Dans une première étape, le robot a appris ses connaissances à partir des milliards et milliards des pages et de sites internet. Si par exemple, la plupart des pages internet considèrent que « le nazisme était juste », alors ChatGPT fera de même et intégrera cette vision dans ses réponses. La deuxième version ChayGPT-v2 a été revue par les ingénieurs en introduisant une « dose d’éthique » pour pondérer les réponses de ChatGPT sur le racisme, les théories de complot, quelques sujets de l’Histoire, … mais finalement, quelle est la légitimité de ces acteurs du numérique pour valider la véracité d’une vision et retoquer une autre ?

On peut dire la même chose des réseaux sociaux où leurs algorithmes de recommandation d’articles ou de censure influencent les opinions publiques, jusqu’à la manipulation voire l’annulation des élections !

Comment les états pourront-ils faire face à ces enjeux imminemment politiques et sociétales, et qui dépassent largement les enjeux techniques ? Doit-on se résigner et laisser quelques patrons des sociétés privées s’emparer de ces sujets et décider notre avenir à notre place ?

Les enjeux dont les états et les démocraties doivent faire face sont multiples et concernent directement notre ordre établi, notamment :

  • Quel modèle du travail pour les années à venir ? surtout qu’on parle d’une perte (ou d’une réduction très importante) de 40% des emplois d’ici quelques années à cause de l’IA (rédacteurs, avocats, traders, conseillers clientèles, traducteurs, auxiliaires de santé, chauffeurs, …)
  • Quelle fiscalité face à des acteurs économiques inter-étatiques ?
  • Comment limiter l’impact de l’intermédiation qu’exercent ces acteurs numériques sur des acteurs économiques nationaux et locaux ?
  • Comment empêcher les réseaux sociaux d’interférer dans les processus démocratiques ?
  • Doit-on accepter le modèle éthique choisi et imposé par les GAFAM ou les BATX ?
  • Comment peut-on faire face à des réponses de robots tels que ChatGPT contraires à nos traditions ? à nos mœurs ?
  • Quel cadre juridique pour encadrer les applications de l’IA ? Par exemple, quel verdict pour un accident impliquant un véhicule autonome ? qui est responsable ? le propriétaire, le constructeur ou l’éditeur de l’application IA ?
  • Même sur le plan diplomatique, et face à la puissance des GAFAM, l’Union Européenne a ouvert en septembre 2022 un bureau à San Francisco, en plein Silicon Valley pour « renforcer sa diplomatie numérique ».

On s’étonne même pourquoi ce type d’enjeux ne soulève pas autant de débats politiques et sociétales dans nos pays. Bien sûr, lister les challenges auxquels on doit faire face n’enlève en rien les bénéfices et le progrès que peut apporter l’IA, mais une régulation et une connaissance de son fonctionnement sont nécessaire pour en tirer tous les bénéfices.

Il faut se rendre à l’évidence, les GAFAM et bientôt les BATX deviennent des acteurs politiques et géopolitiques avec qui les états doivent composer. Une vraie réflexion doit être menée sur notre projet de société, à l’image de l’excellent travail réalisé par Jil Jadid[i] sur la vision sociale et sociétale d’une Algérie éprouvée par des challenges nationaux et internationaux.

 

3.     Une guerre froidement numérique

En septembre 2017, le président Poutine avait déclarer « l’intelligence artificielle est l’avenir non seulement de la Russie, mais de toute l’humanité ». Et il ajouta « celui qui deviendra le leader dans ce domaine, sera le maitre du monde » ! La nouvelle guerre froide est bien là, et elle est numérique. Contrairement à la première, cette guerre se passe entre les USA (acteur incontestable jusqu’alors), et la Chine. D’autres pays essaient de se raccrocher au train de l’IA, comme la Russie, le Canada, le Royaume -Uni ou l’état occupant d’Israël mais les USA et la Chine restent les concurrents incontestables.

Ainsi, l’hégémonie américaine sur le numérique laisse peu à peu la place à des nouveaux acteurs chinois. La Chine avait besoin d’un déclic pour rentrer véritablement dans la guerre de l’IA, et ce déclic vient d’un jeu ancestral chinois qui fait partie intégrante de la tradition nationale : le jeu de Go, qui est un jeu avec des règles simples mais avec des combinaisons bien plus complexes que le jeu de dames ou le jeu d’échec. En mai 2017, l’ordinateur AlphaGo de Google a battu le champion mondial du jeu de Go, le Chinois Ke Jie. Quasi-drame national obligeant les autorités chinoises à ne pas diffuser les parties du jeu qui ont durée tout de même 5 jours.

Depuis cette date, plusieurs sources apportent un sursaut national, et dès juillet 2017, soit à peine 2 mois après la défaite au jeu de Go, le conseil des affaires de l’État Chinois (équivalent du gouvernement central) a adopté un plan de développement de la nouvelle génération d’IA, dont les objectifs sont les suivants[ii] :

  • Créer une industrie d’une valeur de 150 milliards de yuans d’ici 2020, soit 22 milliards$.
  • Réaliser des avancées technologiques majeures d’ici 2025,
  • Devenir le principal centre d’innovation pour l’IA d’ici 2030.

La Chine n’a pas attendu 2030. Dès 2020, la Chine a dépassé pour la première fois les états unis en nombre de brevets déposés à l’international, et l’écart est encore plus important pour les brevets liés à l’IA.

Fig2 – Pourcentage des brevets déposés liés à l’IA dans le monde

 

Certes, la capitalisation boursière globale des GAFAM reste plus importante que celle des BATX, mais la croissance des firmes chinoises est de loin la plus impressionnantes. La Chine peut compter sur ses nombreux atouts :

  • Tout d’abord, une maitrise parfaite et quasi hégémonique du hardware (on comprend mieux la tentative américaine pour limiter l’accès aux semi-conducteurs de Taiwan)
  • Le pays dispose du carburant nécessaire à l’industrie de l’IA, et qui n’est rien d’autres que les données massives de plus de 1.4 milliards, et un cadre juridique (du moins) facilitateur à leur utilisation,
  • La Chine produit 1.3 million d’ingénieurs informaticiens par an[iii]. Une véritable armée et force de frappe au service de la stratégie mise en place. A titre de comparaison, la Russie produit 450 000, les Etats-Unis 250.000 et la France 37000. En Algérie, le professeur Chitour déclarait qu’en 1990, 8000 ingénieurs étaient formés par an, contre à peine 2000 actuellement[iv]!

L’autre spécificité chinoise est que l’état est le plus gros investisseur et le plus gros utilisateur, notamment dans la surveillance de masse. On estime qu’il existe près d’une caméra de surveillance pour 2 chinois, reliée à des systèmes de reconnaissance faciale pour détecter et prévoir tout mouvement suspect. La Chine applique ces technologies sur le peuple chinois mais pas que … En 2012, l’Union Africaine a inauguré son nouveau siège à Addis Abeba, construit et offert par la Chine. On découvrira par la suite que le bâtiment était truffé de micros et de systèmes de surveillance. Des données étaient envoyées tous les soirs entre minuit et 2h d matin à des serveurs à Shangaï.

Les années à venir sont particulièrement à surveiller de très près. Quasiment le seul domaine technologique qui est resté porté par les USA va être sérieusement secoué par l’arrivée massive des ingénieurs et des milliards chinois. Comme l’IA, les conséquences de cette guerre froide sino-américaines couvriront tous les domaines, de l’économie à la santé, en passant par le domaine militaire et les renseignements.

 

4.     Et l’Algérie dans tout ça ?

L’Algérie doit à la fois mesurer les risques de ces nouvelles technologies, et profiter des leurs bénéfices.

Un des risques majeurs de l’IA, à mon sens, est la massification et l’industrialisation de la désinformation, qui peut déstabiliser des pays entiers. Si des robots conversationnels tels que ChatGPT sont utilisés pour générer la désinformation massive qui a l’air plus vraie que nature. On peut même augmenter cette réalité virtuelle en couplant un tel agent avec des techniques de synthèse vocale ultra réalistes, voire des Deepfakes (qui consiste à créer des vidéos à partir des personnages réels et à les faire parler). Les Deepfakes ont été développés initialement par les services de renseignement israéliens.

Ceci n’est pas de la fiction mais bien une réalité. D’une part, le Pentagone utilise déjà ChatGPT, qui a publié en février dernier un article pour annoncer le lancement d’un groupe de travail sur les drones, et qui a été rédigé par ChatGPT[v].

Quant au Deepfakes, et au-delà de leur utilisation pour animer les photos de Napoléon[vi] ou simuler sa propre vieillesse, on peut les utiliser pour diffuser des fausses informations comme ce qui a été fait par les Russes en piratant une chaine d’information ukrainienne et en diffusant une fausse vidéo de Volodymyr Zelensky annonçant sa reddition[vii].

Sans parler des techniques de manipulation des réseaux sociaux qui relaieront et feront propager toute cette désinformation. Comme ça été révélé récemment sur les activités de l’officine (encore une fois) israélienne Mod’In, créée par le surnommé Tal Hanan. Ce dernier est présenté par Wikipédia[viii] comme un ancien militaire des forces spéciales et ex-commandant adjoint de l’armée israélienne. Il est parfois présenté comme espion ou mercenaire et connu pour avoir été impliqué dans au moins plusieurs dizaines campagnes de désinformation visant notamment à manipuler, durant plus de deux décennies les élections dans plusieurs pays. Si de telles techniques sont mobilisées contre un pays, les conséquences peuvent être très graves, notamment pour un pays comme l’Algérie où notre souveraineté numérique est plus que fragile[ix].

D’un autre côté, il faut que l’Algérie profite et tire tous les bénéfices de cette révolution technologique.

Alors que faire ? comment l’Algérie peut transformer les contraintes en opportunités ? et comment peut-on créer les conditions propices au développement de l’IA ?

D’abord en couvrant les besoins internes, tels que le développement des applications de gestion des drones pour la surveillance des grands territoires et les terres agricoles, la maitrise et le contrôle des réseaux sociaux pour contrer des campagnes de désinformation, des logiciels de gestion et prédiction du trafic automobile, renforcement de la sécurité en utilisant le biométrique, … etc

Ensuite, le développement de l’IA c’est surtout pour l’exportation et pour se positionner comme étant un acteur régional important. Il ne s’agit pas de concurrencer les GAFAM bien sûr mais de proposer des applications et outils adaptés à nos contextes. Les logiciels de reconnaissance vocale par exemple ne sont pas assez bien performants pour l’arabe, voire pour le dialecte algérien ou maghrébin. Idem pour la reconnaissance faciale ou la traduction automatique, … etc. Toutes ces technologies sont -au niveau compétences- complétement à notre portée, mais nous ne sommes pas encore capables de créer de la valeur à partir de ces compétences, et encore moins créer une industrie de l’IA. En mars 2018, le Président français Emmanuel Macron a présenté sa vision et sa stratégie pour faire de la France un pays leader de l’intelligence artificielle, il déclara en guise de roadmap : Nous en avons les moyens et nous allons en créer les conditions.

Pour l’Algérie, les conditions de réussir la stratégie IA passe, à mon sens, par le lancement des trois chantiers suivants :

Lancer un programme national de collecte de données

« Le point de départ de toute stratégie en intelligence artificielle tient en la construction de larges corpus de données », ainsi soulignait le rapport du mathématicien-député Cédric Villani dans son rapport « Donner un sens à l’intelligence artificielle », dans le cadre de sa mission confiée par le gouvernement français.

Des organismes tels que l’ONS ou le CERIST sont capables de porter cette mission. Ainsi, ils doivent recenser, organiser, normaliser, anonymiser, collecter et stocker les données numériques de tous les secteurs : santé, transport, réseaux, usages mobile, météo, éducation, info trafic, données de réservation d’hôtels, consommations électriques/gaz/eau, … etc. Nos startups doivent avoir accès à ces données pour alimenter leur imagination et leur développement économique. Tout ceci doit se faire dans le respect strict des droits privés et sans porter atteinte aux fondamentaux de la démocratie.

Par ailleurs, les données des Algériens seuls ne suffiront pas, il faut faciliter les échanges avec d’autres pays de la région pour avoir encore plus de données. D’ailleurs la Chine, même avec ses 1,4 milliards de population a quand même cherché à pirater les données de santé des Américains. Ainsi, le FBI assure que la Chine manifeste un intérêt croissant pour les données de santé étrangères, l’accuse même de pirater les données de l’assureur américain Anthem depuis 2015[x]. Ces pratiques sont également présentes en Afrique, où le Zimbabwe a conclu un accord avec la société chinoise CloudWalk pour bénéficier des technologies de reconnaissance faciale. En contrepartie, la startup chinoise avait accès à toutes les données biométriques collectées, surtout que les techniques de cette startup n’étaient pas assez performantes sur les visages noirs.

Les données sont un avantage concurrentiel majeur dans la course à l’IA. On comprend mieux pourquoi les GAFAM, avec leurs données ultra massives ont une avance certaine sur les technologies de l’IA.

 

Former et retenir les talents

La formation des ingénieurs est un enjeu capital, surtout que le nombre d’ingénieurs formés dans les universités et écoles algériennes a considérablement baissé. La fuite de nos cerveaux vers l’étranger n’arrange pas les choses, même si l’Algérie n’est pas un cas isolé. Cédric Villani, mathématicien-député français, parlait de la pression que subit les ingénieurs et chercheurs de ne pas quitter leur pays, et il ajoute : nos chercheurs vont trouver des conditions de salaires, des conditions de calcul, et des environnements bien plus propices à leurs projets. Beaucoup moins de contraintes administratives, beaucoup plus de moyens, des équipes plus grandes, … etc. Et il continue : y a quelques années, on pouvait dire que les mathématiques étaient peu touchées par la fuite des cerveaux, aujourd’hui il y a une réelle fuite vers les laboratoires américains.

Il s’agit bien sûr des ingénieurs et chercheurs français, dire oh combien la tâche est difficile pour des pays comme l’Algérie. La création de l’école nationale supérieures des mathématiques en Algérie est une excellente opportunité pour piloter les programmes pédagogiques dans ce domaine, et créer un réseau avec les autres écoles d’ingénieurs algérienne et mondiales. La diaspora algérienne peut et doit jouer un rôle déterminant pour fédérer nos compétences des quatre coins du monde.

Les ingénieurs algériens doivent également être initiés à l’entreprenariat, et l’école d’ingénieur doit jouer rôle de pépinière et créatrices de valeurs.

 

Créer les conditions économiques

Malgré un climat d’affaire global décevant, le cadre législatif de création de startup s’est largement amélioré ses dernières années : facilitations administratives, avantages fiscaux, financement, … ce qui contribuera certainement à améliorer notre classement Doing Business dans les années à venir.

En plus du cadre législatif, l’Algérie ne peut pas réaliser un développement économique sans une infrastructure numérique digne des enjeux actuels. L’état doit investir massivement dans les réseaux fixes et mobiles, et dans des datacenters sécurisés. Cette question a été abordée dans notre précédente contribution au sein du conseil scientifique de Jil Jadid[xi].

Par ailleurs, pour encourager nos startups, et à l’instar des autres nations, l’état doit être un exemple dans l’utilisation et l’achat de nos technologies, et à son exportation vers des pays voisins. L’Algérie doit continuer sa marche vers la numérisation généralisée à tous les niveaux.

 

L’Algérie a les moyens de ses ambitions, elle doit en créer les conditions : en colletant les données nécessaires à l’industrie de l’IA, en formant les talents de demain et en créant les conditions économiques, on fera gagner à notre pays des décennies de retard, et on permettra une création de valeur à partir de l’IA.

Cette Intelligence Artificielle sera ainsi au service d’une Intelligence Algérienne.

 

 

______________

Yassine Mami

Commission Numérique du Conseil Scientifique de Jil Jadid.

 

 

[i] https://jiljadid.org/fr/notre-projet/projet-de-societe/

[ii] https://www.economie.gouv.fr/igpde-editions-publications/note-reactive-chine-2018-7

[iii] https://www.capital.fr/entreprises-marches/philippe-hermelin-capgemini-la-france-ne-forme-pas-assez-dingenieurs-1351366

[iv] https://maghrebemergent.net/le-nombre-dingenieurs-formes-par-an-a-baisse-de-75-chitour/

[v] https://www.vice.com/en/article/5d37y3/even-the-pentagon-is-using-chatgpt-now?

[vi] https://twitter.com/ChanPerco/status/1366031836707778564

[vii] https://www.leparisien.fr/video/video-deposez-vos-armes-des-pirates-diffusent-une-fausse-allocution-de-zelensky-sur-des-sites-ukrainiens-18-03-2022-5J7TUOYPVBEWPFQBALFXJL36YE.php

[viii] https://fr.wikipedia.org/wiki/Tal_Hanan

[ix] https://jiljadid.org/fr/2022/12/10/la-souverainete-est-aussi-numerique/

[x] https://www.fbi.gov/news/stories/chinese-hackers-charged-in-equifax-breach-021020

[xi] https://jiljadid.org/fr/2022/12/10/la-souverainete-est-aussi-numerique/

Yassine Mami

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