Alger le 24 Novembre 2024
Le Conseil national a tenu sa réunion semestrielle ordinaire le vendredi 22.11.2024 au siège de Jil Jadid. Plusieurs volets étaient à l’ordre du jour des débats dont les conclusions sont les suivantes.
1) Le processus démocratique : Le cycle de la démocratisation tel qu’il avait été engagé avec la constitution de 1989 semble se refermer. L’obsession du pouvoir à manipuler la vie politique, les dérives de certains partis politiques durant ces trois dernières décennies, qu’elles soient d’ordre sécuritaire durant les années 90 ou d’ordre clientéliste et opportuniste durant les deux décennies suivantes, ont finalement, hypothéqué toute construction sérieuse d’une classe politique fiable et patriote en mesure de gouverner le pays.
Ces dernières années ont vu la confirmation de la volonté du pouvoir d’en finir avec ce qui reste de l’activité politique libre et indépendante ; les objectifs restants rivés sur la persistance d’une pratique d’État traditionnelle et conformiste, pourtant incapable d’apporter les solutions aux vrais problèmes structurels du pays.
Malgré les promesses d’un dialogue national annoncé par le Président de la République, bien que remis aux calendes grecques, les partis politiques sont, dans les faits, marginalisés et voués à être réduits à de simples appendices administratifs, de soutien pour une partie d’entre eux ou mis en situation d’inactivité implicite pour une autre partie. La mise à l’écart de tous les partis politiques dans la formation d’un gouvernement technocratique et la gestion hypercentralisée de toutes les institutions du pays, y compris celles censées dépendre du choix populaire, reflètent une attitude négative, voire hostile, à tout contre-pouvoir.
Les élections ne sont plus qu’un avatar démocratique. La fraude instituée et la sélection active des agents politiques sur la base de leur docilité et de leur médiocrité, ont mené les Algériens à refuser de participer à la vie citoyenne, pourtant nécessaire à la cohésion de la nation et à la construction de l’État de droit.
Enfin, ayant été désarmés par le jeu des subventions et des pressions multiformes, les médias sont aujourd’hui objectivement et moralement en situation critique. Ils ne sont plus en mesure d’accomplir leur rôle. Ils sont discrédités et sans emprise sur l’opinion publique, cédant leur espace informationnel au nihilisme et au mercenariat des « influenceurs » localisés à l’étranger.
La défection et même la défiance populaire vis-à-vis de l’action politique, le retour à l’uniformisation d’un discours laudateur et l’absence de toute marge pour un contre discours, manifestent le stade ultime de l’échec du cycle démocratique ouvert par les évènements d’Octobre 88.
Le modèle démocratique mis en place en 1989 s’est effondré. Un autre devra obligatoirement être conçu car l’absence de pensée politique mènera le pays vers le nihilisme le plus dangereux.
A cet effet, Jil Jadid propose à l’ensemble des patriotes, partisans ou non, d’entamer un débat sérieux pour aboutir à une vision d’avenir qui pourrait être défendue collectivement auprès des institutions nationales en vue d’un renouveau démocratique. Des règles saines et transparentes dont les objectifs seraient d’abord et avant tout la cohésion nationale et la modernisation effective du pays, pourraient offrir une nouvelle base de départ.
2) Au plan économique : il est indéniable que sur le principe, les choix annoncés sont méritoires : réduire les importations, maintenir des prix à la consommation compatibles avec le pouvoir d’achat, relancer les grands projets dans la production nationale. Cependant, la méthode employée ne peut qu’être contre-productive. Le retour au centralisme économique pour ne pas dire aux anciennes formes d’un socialisme archaïque avec une gestion administrative autoritariste ne peut que entraver la mise en place d’une économie efficace et viable. Le développement sournois mais réel et à plusieurs niveaux de la corruption qui en découle ne peut qu’alerter la conscience nationale.
Les blocages intempestifs des différents circuits productifs dépendants des intrants et des produits consommables finis, deviennent un handicap de plus en plus lourd. Une fois les anciens stocks épuisés, les pénuries diverses qui se font déjà ressentir, démoraliseront les opérateurs économiques ainsi que les citoyens.
La volonté de contrôler administrativement les prix à la consommation et la remise en place des monopoles publics vont invariablement entraîner une baisse de la qualité des produits mis sur le marché et la multiplication des détournements et des dérives de gestion publique au détriment du consommateur.
L’Algérie mais aussi plusieurs nations avaient déjà expérimenté la gestion administrative de l’économie. Comme chacun le sait, les mêmes causes induisent les mêmes effets ! Quel que soit le génie des gouvernants en poste, il n’est pas possible de métamorphoser la nature de l’acte économique qui est fondamentalement liée à la nature humaine. L’Algérie devrait intégrer les leçons de l’histoire et s’inspirer de pays, anciennement collectivistes, qui ont réussi, par de vraies réformes, à se développer pendant que de notre côté, nous sommes toujours empêtrés dans la gestion des mêmes problèmes que nous nous créons nous-mêmes.
Par ailleurs, la loi de finance 2025, avec son déficit colossal et incompréhensible, expose l’ensemble du système financier à une déstabilisation inflationniste majeure et risque de créer de graves distorsions avec des répercussions graves en cas de baisse du prix des hydrocarbures sur le marché international. Le déficit colossal qu’elle prévoit met en danger l’économie du pays.
3) Au plan social : Le gouvernement semble préoccupé par le niveau du pouvoir d’achat des populations. Des aides multiples sont engagées. Toutefois, la logique sous-jacente de ces mesures risque d’aggraver la situation au lieu de l’améliorer. En effet, la reprise en main administrative des processus économiques va, de facto, entraîner les pénuries, la spéculation, la corruption et in fine, l’affaiblissement de tout l’appareil productif, relançant ainsi le chômage de masse. Précisons que le développement d’une nation ne se mesure pas à l’importance de l’assistanat, à l’encouragement à l’oisiveté et éventuellement, à l’exil d’une partie de la population. Il est vrai que la paix sociale est une dimension importante à considérer mais elle doit s’insérer dans une logique de développement du pays et non pas créer une paix sociale factice, forcément temporaire. Tout au contraire, l’Algérie doit s’ouvrir aux porteurs de projets et les protéger contre les prédateurs trop souvent liés aux organismes en charge de la gestion des entreprises (certains ministères, commerce, impôts, douanes etc…). La multiplication des affaires scandaleuses touchant des commis de l’État montre clairement que la lutte contre la corruption est pour le moins inefficace dans sa logique actuelle.
Par ailleurs, il est impératif de mener une politique de dialogue avec les nouvelles générations de cadres, de médecins, d’ingénieurs et d’entrepreneurs au lieu d’user de manœuvres dilatoires qui démoralisent les meilleurs enfants du pays.
Des solutions consensuelles et intelligentes peuvent être mises en place avec les différentes catégories professionnelles aujourd’hui en conflit avec l’autorité publique tels les médecins, les doctorants, les petits commerçants etc…
L’essence première de la politique est la gestion dans la paix des contradictions naturelles qui se développent dans une société dynamique. L’équilibre s’obtient par le dialogue et la prise en compte des aspirations des uns et des autres. L’autoritarisme ne peut que générer encore plus de conflits et plus de tensions et ce, au détriment de la nation.
4) L’Algérie dans le monde : Ces dernières années des changements majeurs sont en voie de concrétisation. La remise en cause de l’unipolarité est irréversible bien qu’elle soit pour le moment une source de graves conflits dans le monde.
Dans ce cadre, le conflit en Palestine occupée est devenu l’un des abcès de fixation des tensions mondiales. Jil Jadid salue les positions de l’Algérie. Son rôle, notamment au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU est honorable et mérite reconnaissance.
L’invitation faite par le sommet des BRICS+ à l’Algérie pour être dans un statut de partenaire doit être appréciée à sa juste valeur. Il est impératif de saisir cette opportunité pour offrir au pays la possibilité de contribuer à l’établissement d’un nouveau cadre de coopération international et surtout de se donner des outils financiers et commerciaux modernes.
Ce positionnement en faveur d’un monde multipolaire ne doit évidemment pas signifier une quelconque hostilité vis-à-vis des autres partenaires traditionnels. En particulier, une nouvelle vision de nos rapports avec le proche voisinage européen doit intégrer les dimensions géographiques, historiques, humaines, et de complémentarité économique permettant des échanges dans l’intérêt des deux parties.
L’Algérie a tout à gagner dans un rapport équilibré avec l’ensemble des pôles de puissance dans le monde.
Il est impératif d’envisager notre avenir dans une nouvelle configuration mondiale dont l’objectif premier devrait être la paix, la coopération et le développement.
Pour le Conseil National
Le Président
Soufiane Djilali
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