Du confort de faire de la politique sans être organisé en parti politique ou en association

Du confort de faire de la politique sans être organisé en parti politique ou en association

Temps de lecture : 3 minutes

 

Par Zoheir Rouis*

 

L’Algérie dispose d’une société politique riche de ses partis politiques et organisations de la société civile. Elle compte également un nombre important d’individus non organisés, se définissant comme des acteurs politiques, agissants en « solo » mais assez actifs, en particulier sur le terrain des réseaux sociaux. Certains d’entre eux peuvent même se prévaloir d’une certaine aura, et pour peu que des médias ou des organisations étrangères les mettent en valeur, ils finissent par être confortés dans leur idée de s’affranchir de tout besoin d’organisation.

Nous avons donc d’un côté ceux qui font l’effort de s’organiser, d’agir et de proposer pour   convaincre sur leur projet afin qu’il puisse être réalisé et pour changer les choses, et de l’autre, ceux qui, pour une raison ou une autre, interviennent sur le terrain politique comme acteurs de celui-ci mais s’affranchissent de tout effort d’organisation et donc des contraintes et exigences de celle-ci, ce qui leur permet de dire et de faire ce qui bon leur semble sans avoir à rendre compte, sans que cela ne prête à conséquence et sans que cela nécessite de devoir s’organiser pour mettre en œuvre ce qu’ils préconisent.

Deux pratiques, deux logiques, qu’on peut illustrer avec quelques exemples pour chacun des deux cas de figure :

Lorsque l’on est organisé, par exemple en parti politique, et sans nier les vraies difficultés liées à l’absence d’Etat de droit, on doit être dans une posture et dans une logique de construction d’un collectif, de rassembler un minimum d’adhérents répartis sur un minimum de wilaya pour pouvoir prétendre à un minimum de représentativité, organiser un congrès constitutif et former un parti politique.

Lorsque l’on est organisé en parti politique ou en association, on est contraint par les statuts et le règlement intérieur qu’on se donne et qui régissent les modalités d’élections et de fonctionnement internes et déterminent les droits et devoirs des membres du parti. On doit tenir régulièrement ses instances dirigeantes et délibérantes pour rendre compte de ses actions et définir son plan d’actions.

Lorsque l’on est organisé en parti politique ou en association, on doit être en capacité de travailler avec les autres et de construire avec eux. On doit être à l’écoute et dans une dynamique de groupe et de synergie et non en logique solitaire. On doit avoir le souci de bâtir une organisation sur le long terme comme outil permettant de garantir l’exercice politique pluriel et de mise en valeur de femmes et d’hommes qui vont constituer la classe politique nationale.

Lorsque l’on est organisé en parti politique on doit réfléchir, rédiger, partager, adopter et publier son projet de société et son programme. On doit faire un travail d’organisation et d’animation de ses structures de communes et de wilaya, confronter son projet et programme à la critique populaire en organisant des débats thématiques et avoir pour vocation de se présenter devant le corps électoral avec son projet de société et son programme électoral afin d’espérer être en position de les mettre en œuvre pour changer le cours des choses.

Mais lorsqu’on n’a pas souhaité s’encombrer d’une organisation politique ou associative ou lorsqu’on n’a pas été capable de s’entourer de suffisamment de personnes pour pouvoir le faire, et qu’on veut néanmoins être un acteur politique, on est libre de pouvoir dire tout et n’importe quoi, sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit. On peut dire une chose aujourd’hui et le contraire le lendemain, sans risque de se faire désavouer ou sanctionner.

Lorsque l’on est responsable d’aucune organisation, on est responsable de rien et de personne. On parle en son nom personnel même si on fait semblant de représenter plus que soi.

Lorsque l’on est responsable d’aucune organisation, pas besoin de consulter qui que ce soit avant de s’exprimer ou de prendre position sur tel ou tel sujet. On peut plus facilement faire la leçon et dénigrer ceux qui font l’effort de s’organiser, de donner de leur temps et de leurs moyens. Ceux qui sont sur le terrain de l’action pour convaincre et entreprendre.

Lorsque l’on n’est pas organisé en parti politique ou en association, on n’a pas besoin de se doter d’un projet de société ou de formuler des propositions, et encore moins des propositions concrètes et réalistes, parce qu’on n’a pas vocation à participer à une élection. On peut donc aisément surfer sur la vague, flatter les sentiments des gens et leur servir ce qu’ils veulent entendre, tout en étant conscient de n’avoir de toute façon aucun moyen ni personne avec qui les concrétiser. Aucune sanction populaire n’étant possible, on peut dès lors s’offrir le luxe d’être sur des discours et des propositions populistes, nihilistes et radicaux.

 

Zoheir Rouis,
Vice-président Jil Jadid
Président Jil Jadid Europe