Il était une fois un 28 Janvier 1957

Il était une fois un 28 Janvier 1957

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TEMOIGNAGE : Par Abdelkader KRIBI, Militant de la cause nationale

IL ETAIT UNE FOIS UN 28 JANVIER 1957,

LA GREVE DES 8 JOURS

Sans faire de bruit, ni attirer l’attention de l’armée française, un mouvement de contestation se préparait à la Casbah d’Alger. Cette citadelle ancestrale qui a vu naitre et grandir tant d’artistes, tant de sportifs et tant de révolutionnaires. La sœur Djamila Bouhired(que dieu lui prête longue vie) doit dans ces moments douloureux être triste.

Sur ordre du FLN(pas celui d’aujourd’hui) les épiciers étaient tenus d’ouvrir des « carnets de ravitaillement » aux habitants de la Casbah dans leurs quartiers respectifs. Les groupes de choc sillonnaient la Casbah dans le secret total. Rien ne filtrait de la date du déclenchement de la grève. Une grève générale, où port, aéroport, usines et autres fabricants, tout devait s’arrêter.

Et c’est à partir du 28 Janvier 1957 que cette grève  avait été décidée par le FLN (j’insiste encore, pas celui d’aujourd’hui). Cette grève des « Huit jours » allait ébranler la France colonisatrice. Qui l’eut cru ?

Il est vrai que la volonté d’un peuple de vouloir arracher sa liberté et son indépendance est inébranlable. Ho Chi Min le disait si bien au président Pierre Mendes France : « GARE A UN PEUPLE QUI A FAIM. »

Le Vietnam a montré la voie aux peuples opprimés, et le peuple Algérien a suivi la voie, celle de la liberté, une liberté confisquée depuis l’invasion de Sidi Ferruch.

Le 1er novembre 1954 sonnait le glas. Une guerre impitoyable allait engager le peuple Algérien à l’une des puissances mondiales. Benboulaid, Zirout, Didouche, Boudiaf, Bitat et tous les hommes épris de liberté allaient prendre leur destin en main. Le peuple Algérien a suivi.

1956-1957,deux années où la Casbah d’Alger a joué un grand rôle dans le cours de l’histoire de la révolution. Aucune bataille au monde n’a tenu 9 mois. Cela ,grâce au sacrifice suprême des enfants de l’Algérie, et c’est ainsi que tombèrent au champ d’honneur les Abderrahmane Arbadji, Ramel, Debbih Chérif, Ali la pointe, Hassiba Benbouali, Ourida Medad, Bouhamidi, Yacef Omar âgé de 12 ans, Gaceb, Kebaili, Kerrar, et l’arrestation du chef de la zone autonome d’Alger Yacef Saadi et Zohra Drif.

Durant ces 2 années aussi, la Casbah a perdu d’autres dignes fils de la révolution algérienne. Après la perte de Zabana venu d’oran et Farradj, ce fut le tour de Boualem Rahal âgé d’à peine 17 ans (sa date de naissance fut falsifiée pour cacher la vérité aux médias étrangers). Suivent Arezki Louni, Abderrazak Hahad, frère du joueur Omar ancien avant centre du MCA. Sid Ali « yeux bleus » connaitra lui aussi le même sort que ses compagnons de lutte.

C’est pour dire que 1956 et 1957 auront connu des pertes cruelles en hommes valeureux.

1957 est venu mettre fin à l’invincibilité de l’armée d’occupation. La grève des huit jours a marqué un pas très important dans la suite des événements. Le cas Algérie a été soulevé à l’ONU. Michel Debré a du quitter la salle d’audience. Une victoire précieuse « diplomatiquement ».

Il est utile de rappeler  que cette grève des huit jours a laissé des déchirements au sein de la population. En effet, suite aux perquisitions à grande échelle, des centaines de citoyens ont été acheminés dans des centres de concentration (Bossuet, Tefechoune, Paul Cazelle). Un lourd tribu payé chèrement. Rien n’arrêtera le cours de l’histoire de la révolution.

Par devoir de mémoire et pour l’histoire, je me permets, à l’attention surtout de la nouvelle génération, de narrer une histoire véridique que j’ai vécu durant ces huit jours de grève à la Cabah ;

En effet au 5 éme jour de grève, une patrouille des « Chasseurs Alpins » firent irruption chez nous à la Casbah pour le contrôle d’identité. Il faisait très froid ce jour-là. A leur grand étonnement, ils virent que devant chaque pièce un fourneau était installé, du lait Guigoz ou Nestlé et surtout des beignets à l’huile d’olive. Il faisait tellement froid, et les soldats français avaient faim. « Khalti Fatma » dont le fils Ali était au maquis , a eu l’ingéniosité d’inviter ces soldats pour prendre le café. Ils se consultèrent et finirent par accepter. Ils déposèrent leurs armes à même le sol, et mangèrent à leur faim, puis ils s’excusèrent. L’un d’eux dira ceci : « CES GENS NE CRÈVERONT JAMAIS DE FAIM.»

Après leur départ, les voisines de l’immeuble posèrent la question : Khalti Fatma, pourquoi les avoir invité ? Elle répondit joyeusement : « C’est pour leur montrer notre foi inébranlable en Dieu le tout puissant, que nous ne crèverons pas de faim, et que notre indépendance est inéluctable. »

Nous étions au mois de Janvier 1957. Une question que je pose naïvement, et si la « nouvelle génération » pouvait imiter aujourd’hui  « la génération de Novembre »,en faisant non pas une grève ,mais en investissant avec force les « institutions de la république » lors des « futurs élections » (comme elle l’a si bien fait en investissant la rue lors du hirak de Février 2019 et qui a permis la chute du système Bouteflika) rien que pour montrer au pouvoir actuel que si les choses ne changent pas, alors il montrera sa détermination inébranlable à reprendre son « bien » à savoir son état et ses institutions.

Je reste optimiste en soutenant l’émergence d’une nouvelle classe politique et d’une « nouvelle génération de dirigeants » à tous les échelons du pays , seule alternative qui pourrait redonner ESPOIR au peuple Algérien longtemps marginalisé

Abdelkader KRIBI

Militant de la cause nationale