La journée nationale de l’étudiant du 19 mai a-t-elle un sens chez les jeunes aujourd’hui ?

La journée nationale de l’étudiant du 19 mai a-t-elle un sens chez les jeunes aujourd’hui ?

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L’école et l’université, lieux par excellence de la formation des Hommes, de production des idées, de renforcement et de renouvellement des intelligences, sont malheureusement aujourd’hui, sous domination des discours idéologiques autoritaires au sein d’une société qui dispose pourtant des sédiments de la pluralité et des aspirations à l’émancipation. Elles ratent leurs vocations essentielles d’instaurer la rationalité et la modernité et d’élever la liberté des consciences.

Aujourd’hui encore, les intelligences sont bâillonnées ! L’échec de l’école et de l’université algériennes est connu de tous.  Le résultat est que les élèves et les étudiants algériens ont une idée étroite de la Nation, une connaissance tronquée de leur histoire. Plus grave encore, pour eux, l’ouverture sur les autres est devenue une vision coupable et interdite et fait naître chez eux des attitudes ignorant l’universalité et exprimant le plus souvent l’intolérance.

Chez nos élèves et étudiants, l’esprit critique est vécu comme un acte de rébellion devant l’autorité du système, et les conséquences négatives se font sentir dans la rue, à la mosquée et dans les débats politiques où sont confondus l’idéologie et la race, la langue et la religion, la politique et le prêche….Nous voyons bien les ravages crées par l’enfermement des intelligences et la contrainte des consciences.

Or, c’est par l’épanouissement intellectuel qu’il y aura nécessairement libération des intelligences et ouverture sur sa propre sensibilité et sur l’universel.

Et comme l’école et l’université, ont toujours été pour le système algérien un terrain d’expérimentation «manichéen » pour l’endoctrinement et la « décérébration » de toutes les générations à des fins de « contrôle», il y a risque de se voir distancé par l’accélération du savoir.

Car si l’importation «mécanique » des idées conforte la « paresse de la réflexion ,la « méfiance idéologique » à l’égard des découvertes élaborées par d’autres, risque de scléroser pour encore longtemps les capacités créatives de l’école et université algériennes, déjà sinistrées.

« Il est grand temps de voir dans l’école et l’université les lieux du savoir, de la rationalité et de l’ouverture, et ne pas confondre la philosophie éducative avec la politisation des connaissances et des consciences. »

Mais cela ne peut se concevoir sans démocratie, et sans liberté.

Alors, les étudiants de 2021 sont interpellés pour concrétiser le rêve de leurs ainés de l’UGEMA qui ,un certain 19 Mai 1956, ont mené le combat suprême pour l’indépendance de l’Algérie.

Comme ils ont été le fer de lance et le carburant du « HIRAK » à ses débuts, ils peuvent constituer une force agissante aujourd’hui en investissant les institutions, les organisations et partis…Le présent et l’avenir sont à eux….Ils sont « LES FORCES DE L’AVENIR ».

 

 

ANNEXES :

Nous publions à cette occasion, pour mémoire et l’histoire, l’appel de l’UGEMA du 19 Mai 1956,et la motion de politique générale, avec l’espoir de voir les étudiants de la nouvelle génération, prendre conscience du rôle historique qu’ils ont à jouer pour reprendre leur véritable place dans la société à la recherche désespérée d’une élite apte à prendre naturellement le pouvoir.

 

1-Appel de l’UGEMA à la grève des étudiants et lycéens

“Étudiants algériens !

Après l’assassinat de notre frère Zeddour Belkacem par la police française ; Après le meurtre de notre frère aîné le docteur Benzerdjeb ;

Après la tragique fin de notre jeune frère Brahimi du collège de Bougie, brûlé vif dans sa mechta incendiée par l’armée française pendant les vacances de Pâques ;

Après l’exécution sommaire dans un groupe d’otages de notre éminent écrivain Réda Houhou, secrétaire de l’institut Benbadis de Constantine ;

Après les odieuses tortures qu’on a fait subir aux docteurs Haddam de Constantine, Baba Ahmed et Tobbal de Tlemcen,

Après l’arrestation de nos camarades,Amara, Lounis, Saber et Taouti aujourd’hui arrachés aux geôles de l’administration française, celle de nos camarades Ferrouki et Mahidi ;

Après la déportation de notre camarade Mihi ;

Après les campagnes d’intimidation contre l’UGEMA ;

Voici que la police nous arrache des mains, un matin à la première heure, notre frère Ferhat Hadjadj, étudiant en propédeutique et maître d’internat au lycée de Ben Aknoun, le torture, le séquestre pendant plus de dix jours (avec la complicité de la justice et de la Haute administration algérienne prévenues de son affaire), jusqu’au jour où nous apprenons, atterrés sous le coup de l’émotion, la nouvelle de son égorgement par la police de Djijelli, aidée de la milice locale.

L’avertissement donné par notre magnifique grève du 20 janvier 1956 n’aura-t-il servi à rien ?

Effectivement, avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres !

À quoi donc serviraient ces diplômes qu’on continue à nous offrir pendant que notre peuple lutte héroïquement, pendant que nos mères, nos épouses, nos sœurs sont violées, pendant que nos enfants, nos vieillards tombent sous la mitraillette, les bombes, le napalm.

Et nous « les cadavres de demain », on nous offre d’encadrer quoi ?

D’encadrer ? … les ruines et les morceaux de cadavres sans doute, ceux de Constantine, de Tébessa, de Philippeville, de Tlemcen et autres lieux appartenant déjà à l’épopée de notre pays.

Notre passivité face à la guerre qu’on mène sous nos yeux nous rend complices des accusations ignobles dont notre vaillante Armée nationale est l’objet.

La fausse quiétude dans laquelle nous sommes installés ne satisfait plus nos consciences.

Notre devoir nous appelle à d’autres tâches plus urgentes, plus coopératives, plus catégoriques, plus glorieuses.

Notre devoir nous appelle à la souffrance quotidienne aux côtés de ceux qui luttent et meurent libres face à l’ennemi.

Nous observons tous la grève immédiate des cours et examens et pour une durée illimitée.

Il faut déserter les bancs de l’université pour le maquis.

Il faut rejoindre en masse l’Armée de libération nationale et son organisme politique le FLN.

Étudiants et intellectuels algériens, pour le monde qui nous observe, pour la nation qui nous appelle, pour le destin héroïque de notre pays, serions-nous des renégats ?” le 19 mai 1956

 

2-Motion de politique générale (Votée à l’issue du 2ème congrès de l’U.G.E.M.A)

«Considérant que le colonialisme, source de misère et d’analphabétisme, est la négation même de la dignité d’un peuple ;

– Considérant que la lutte du peuple algérien est juste, légitime dans le monde, l’évolution historique des peuples, et qu’elle ne saurait avoir d’autre aboutissement que l’accession du peuple algérien à sa souveraineté ;

– Considérant enfin que la politique de force, de guerre à outrance et de répression, sans ralentir ce mouvement libérateur irréversible, risque simplement d’accumuler les victimes et de rendre impossible une entente souhaitable entre les peuples algérien et français souverains, le congrès demande :

1) La proclamation de l’indépendance de l’Algérie;

2) La libération de tous les patriotes emprisonnés ;

3) Des négociations avec le Front de libération Nationale»

 

Docteur Lakhdar AMOKRANE
Premier secrétaire Jil Jadid