Le 11 Mars 2011, lors des toutes premières assises qui avaient réuni les fondateurs de Jil Jadid, j’avais promis qu’il s’agissait pour moi, de planter un arbrisseau que nous arroserons tous ensemble jusqu’au jour où il donnera de ses fruits même si cela devait se faire après nous. Aujourd’hui, cet arbre est là, bien enraciné.
Jil Jadid devait refléter notre profond désir de renouveler la pratique politique dans notre pays en la fondant sur des principes et des valeurs qui permettraient la construction d’une Nation authentique, responsable, juste et inventive.
Notre préoccupation n’était point les polémiques idéologiques ou les règlements de compte politique. Ce qui nous importait, c’était d’être fidèles à nos convictions et de mener une action cohérente au service de notre pays. Nous étions une petite poignée de convaincus. La plupart sont encore là, toujours présents et actifs. D’autres, parmi les plus chers amis, qui avaient inscrit le sens de leur vie dans cet engagement, ne sont plus de ce monde. C’était avec eux tous que nous avions décidé, entre autres, que le Président du parti ne pouvait briguer au-delà de deux mandats ordinaires. C’est ainsi que Jil Jadid a préparé une pléiade de cadres de grande qualité.
Son projet de société (l’un des rares qui soit proposé aux Algériens), son programme gouvernemental, ses multiples textes organisateurs et ses instances démocratiques font de lui un modèle de transparence.
Alors que les partis politiques ont un rôle essentiel dans le fonctionnement d’une société moderne, notre système de gouvernance n’a malheureusement pas accepté de les voir actifs et encore moins autonomes. Dans la phase actuelle, il les veut simple caution et vise à restreindre de plus en plus le champ des libertés politiques tout en promouvant des appareils soumis pour faire valoir un multipartisme factice. Lancé dans sa propre logique, le système de gouvernance actuel a clôturé le champ de l’opposition politique, comme il a perverti la société civile, les syndicats et les médias. Petit à petit, toutes les institutions ont été monopolisées et instrumentalisées par un exécutif hégémonique et maintenant s’octroyant des pouvoirs sans limites, au-dessus même des règles constitutionnelles.
La justice est réduite à un bras qui frappe toute contestation et harcèle tous ceux qui dénoncent les malversations ou réclament leurs droits. La corruption se généralise et prend une nouvelle vigueur. Les droits et libertés définis par la constitution sont en réalité suspendus. Nous vivons de fait dans une forme d’état d’exception permanent.
Cette dérive autocratique est en réalité le reflet d’un échec non pas seulement des gouvernants mais celui de l’organisation politique du pays elle-même. Il est structurel. Pourtant, le monde autour de nous et en relation avec nous est en pleine reconfiguration. L’Algérie sera bientôt confrontée à plusieurs défis à la fois : géopolitique, sécuritaire, diplomatique, économique et sociétal.
Pour y faire face, il lui est urgent de rétablir la confiance entre les dirigeants eux-mêmes d’une part et entre le pouvoir constitué et le peuple d’autre part. Il lui faudra rendre son système de gouvernance légitime et performant. Le pouvoir doit apaiser ses tensions internes, mettre un terme aux règlements de compte, libérer les trop nombreux prisonniers injustement incarcérés, opérer une réelle ouverture politique et construire enfin une véritable économie productive. Il sera en devoir d’organiser un Etat fort, juste, compétent et intègre, encadrant et apaisant une population trop souvent déstructurée, sans repères stables et où les fléaux sociaux -drogue, violence, corruption, harga- se développent, démoralisant le peuple et affaiblissant sa cohésion sociale. L’Etat est en danger !
Dans cette phase historique où le pays a peut-être encore une faible marge de manœuvre, il est impératif d’ouvrir une réflexion approfondie sur les réformes à concevoir pour renouveler et moderniser notre système de gouvernance. Il nous faut un consensus national pour une refondation de l’action politique.
Dans cette impasse politique, c’est aux véritables décideurs d’assumer l’avenir du pays, ils ont les clefs entre les mains. Ils sont comptables devant le peuple et devant l’histoire. Au lieu de persister dans la fausse solution électorale qui aggrave un absentéisme généralisé, ils devraient appeler la société politique à une véritable introspection, permettre un débat national patriotique et rassembleur et aboutir à terme à la définition d’un projet de société qui soit à la hauteur des défis qui nous attendent. Il y a lieu de mettre à disposition du pays une véritable vision de développement intégré et émanant de notre propre trajectoire historique. Le pays n’a plus beaucoup de temps pour enfin enclencher un cercle vertueux et construire un Etat de droit et des institutions respectables. Changer ne signifie pas détruire l’Etat : cela signifie le consolider.
Mener concomitamment réflexion et action est nécessaire pour un mouvement d’idées. Cependant, les conditions pratiques ne permettent pas toujours d’assurer les deux à la fois !
Depuis 36 ans, j’ai alterné mes efforts entre action et réflexion. L’une appelant l’autre.
Aujourd’hui, il est de notre devoir à tous, en tant que citoyens, d’ouvrir, en parallèle à la nécessaire action de terrain, un champ de réflexion et de dialogue large et inclusif, sans limites partisanes, pour proposer une vision sur l’avenir de notre République et pouvant mener à une action salvatrice pour notre pays.
Ainsi, si j’ai eu le grand honneur de contribuer à la fondation puis à la conduite de Jil Jadid, l’heure est toutefois arrivée pour moi, dans cette phase de mon engagement de consacrer plus d’énergie au combat d’idées tout en favorisant l’émergence d’une nouvelle direction du parti.
A cet effet et en conformité avec nos statuts, je convoque un congrès extraordinaire qui devra, en toute liberté, désigner le prochain Président de Jil Jadid et ce dès que les conditions technico-administratives seront réunies. La nouvelle équipe dirigeante s’attellera à prendre en charge le développement du parti et la poursuite de son combat. Je sais que toute l’équipe sera à la hauteur et apportera à notre action collective un souffle nouveau. Ce sera aussi l’occasion pour la nouvelle direction de se faire connaître plus largement par nos concitoyens et de pouvoir s’imposer par la qualité de son travail dans le paysage politique national.
Quant à moi, si je quitte la présidence du parti, je ne quitte pas le combat. Ensemble, faisons en sorte que l’Algérie retrouve le chemin de la liberté, de la justice et de la dignité !
Alger le : 23 Septembre 2025
Le Président
Soufiane Djilali