Hommage à Benyoucef Benkhedda

Hommage à Benyoucef Benkhedda

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En ce jour de vendredi 4 février 2022, nous commémorons le dix-neuvième anniversaire du décès du moudjahid Benyoucef Benkhedda. Cette date si particulière juxtaposée à l’année 2022 qui coïncide avec le soixantième anniversaire des accords d’Evian (dont Benyoucef Benkhedda en sa qualité de président du GPRA était pleinement partie prenante) nous motive à nous intéresser de plus près à l’histoire des grands hommes qui ont marqués notre pays et notre histoire contemporaine.

 (Benyoucef Benkhedda et Krim Belkacem)

Benyoucef Benkhedda est né le 23 février à Draa Essough à Berrouaghia dans la wilaya de Médéa. Il est issu d’une famille religieuse (apparemment originaire de Mazouna dans la wilya de Relizane) son père était cadi. En parallèle de ses études à l’école française, le jeune Benyoucef Benkhedda a reçu une éducation traditionnelle axée sur l’apprentissage des sciences religieuses et de la langue arabe. De manière identique à un Larbi Ben M’hidi qui fréquentait également la zawyia familiale et l’école française, Benyoucef était membre des scouts et comme nombre de futurs grands personnages de la Révolution, cela forgera son patriotisme et son amour pour l’Algérie de manière irrémédiable. Lors de son entrée au collège, Benyoucef Benkhedda intégrera le collège-lycée Duveyrier de Blida et c’est là-bas qu’il rencontrera les futurs grands noms de la guerre d’Indépendance à savoir : Sâad Dahlab (qui deviendra son meilleur ami); Abane Ramdane; Docteur Lamine Debaghine; M’hamed Yazid ou encore Ali Boumendjel. Tout ce petit groupe d’algériens sera profondément bouleversé par les idées nationalistes de l’étoile nord-africaine si bien que tout ce petit groupe sera plus ou moins encadré par leur aîné Mohamed Lamine Debaghine (qui deviendra plus tard un dirigeant du PPA-MTLD).

Une fois bachelier, Benyoucef s’oriente vers des études de pharmacie (cependant comme le disait son fils Salim, le rêve de Benyoucef était plutôt d’étudier les sciences religieuses à l’Université Zitouna de Tunis). A l’instar d’un militant comme Hocine Ait-Ahmed qui a décidé d’arrêter les études pour se consacrer à la cause nationale, Benyoucef ira au terme de son cursus de pharmacien mais cela ne sera pas sans interruption comme en 1942 par exemple où suite à l’affaire des insoumis de Blida, il purgera une peine de plusieurs mois de prison. Benkhedda aura une vie très active sur le plan militant en parallèle de ses études, il participera par exemple aux comités de rédactions de deux journaux à savoir “La Nation algérienne” en langue française et “El Maghreb el Arab” en langue arabe; il participera également au congrès de 1947 qui décidera de la création de l’Organisation spéciale (branche paramilitaire du PPA/MTLD qui a pour objectif de préparer la lutte armée).

Lors de ce congrès, il sera nommé secrétaire général du MTLD, fera parti de ce qu’on appelle les centralistes et il s’opposera à Messali Hadj.

Il ne participera pas à la préparation du 1er novembre 1954 et dans le sillon des attentats de la Toussaint Rouge, il sera de nouveau emprisonné pour quelques mois. A sa sortie de prison courant 1955, il rejoint son ami d’enfance Abane Ramdane (chef politique de l’Algérois depuis janvier-février 1955) afin d’organiser politiquement et militairement ce qui deviendra la guerre d’indépendance. Bras droit d’Abane Ramdane, il participe avec d’autres militants comme Aissat Idir ou Tahar Gaid à la création de l’UGTA, il participera également à l’élaboration de l’hymne Kassaman. Benyoucef Benkhedda était un homme polyvalent, il s’occupait aussi bien des contacts avec la bourgeoisie algéroise que des ravitaillements en armes pour les maquis ou bien de l’organisation politique et diplomatique avec Abane Ramdane.

 

( De gauche à droite : Benyoucef Benkhedda; Sâad Dahlab; Abane Ramdane et Krim Belkacem)

Le congrès de la Soummam désignera Benyoucef membre du CCE aux côtés de Krim Belkacem; Abane Ramdane; Larbi Ben M’hidi et Sâad Dahlab. Ces cinq formeront l’élite politique du FLN (on peut bien évidemment ajouter Ferhat Abbas, M’hamed Yazid, Abdelkader Chanderli; Hocine Ait Ahmed ou Docteur Lamine Debaghine) et ils donneront à l’Algérie des institutions, un hymne, une stratégie diplomatique, une armée. Le GPRA sera en quelque sorte la continuation de ce CCA dans lequel les cerveaux comme Sâad Dahlab ou Benyoucef utiliseront leur génie politique pour faire plier la machine diplomatique française et arriver en position de force aux accords d’Evian.

C’est en la qualité de président du GPRA que Benyoucef pilotera les négociations de ce qui deviendra les Accords d’Evian, accord qui hélas ne seront jamais appliqués. Ce que l’on peut retenir du riche parcours d’un homme Benyoucef Benkhedda, c’est tout d’abord son dévouement dans la cause nationale, son amour de l’Algérie et sa capacité à avoir doter le pays d’institutions avec des rôles clairement définis par la plateforme de la Soummam. Que ce soit lors de la Bataille d’Alger ou sur le terrain diplomatique à l’ONU, l’Algérie avait un ennemi des moyens bien plus importants, on était clairement dans une guerre asymétrique et pourtant cela n’a pas empêché l’Algérie de triompher de la France via le terrain diplomatique. Les raisons de ce succès sont multiples et elles seraient sûrement trop longues à énumérer mais on peut retenir plusieurs points essentiels :

  1. Le capital humain. Le capital humain a été la principale ressource de l’Algérie pendant la guerre et il faut savoir que notre guerre nous l’avons gagnée avec notre cerveau et notre intelligence et non avec les armes. Benyoucef faisait partie des rares intellectuels indigènes de sa génération (ayant fait des études supérieures) et il s’avère que ce petit nombre d’algérien s’est avéré d’une efficacité monstre face à la France. Le parallèle avec notre époque est tout à fait pertinent, c’est le capital humain qui permet de gagner les guerres actuelles (qui ne sont plus militaires mais économiques; scientifiques et politiques) et non les armes.
  1. Les institutions. Le CCE s’était donné les moyens de doter la révolution algérienne d’institutions politiques à travers le CCE; l’armée; le journal El Moujahid et c’est bien grâce à cela que nous avons pu tenir militairement. Le CCE a permis une réelle modernisation des financements des différentes wilaya; une harmonisation des prises de décision et cela a donné le résultat que l’on connaît. Si notre pays veut relever la tête en 2022, cela passera inévitablement par s’inspirer de nos glorieux aînés et mettre en place des institutions politiques afin de rendre la prise de décision plus efficace et efficiente.

 

إِنَّا لِلَّٰهِ وَإِنَّا إِلَيْهِ رَاجِعُونَ