RFI – L’Algérie non-retenue par les BRICS: «Un mal pour un bien afin qu’on prenne conscience de nos retards»

RFI – L’Algérie non-retenue par les BRICS: «Un mal pour un bien afin qu’on prenne conscience de nos retards»

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Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), réunis à Johannesburg, ont annoncé le 24 août 2023 une expansion de leur bloc avec l’adhésion de six nouveaux membres : l’Iran, l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. L’Algérie, comme le Nigeria, n’a pas été retenu malgré un fort investissement dans sa candidature.

Pour Soufiane Djilali, président de Jil Jadid, un mouvement qui défend une Algérie moderne, cela va forcer son pays à « remettre en cause pas mal de choses et essentiellement la structure même de son économie ». Entretien.

 

 

RFI : Soufiane Djilali, vous écrivez que, finalement, la non-intégration de l’Algérie par les BRICS, ce regroupement du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, est un mal pour un bien ?

Soufiane Djilali : C’était un mal pour un bien dans le sens où il faut qu’on prenne conscience de nos retards, il faut qu’on se mette sérieusement à changer ce qui doit être changé. Il faut bien évaluer nos points forts et nos points faibles et les corriger, nous sommes à un tournant et il faut qu’on regarde nos réalités, et non pas compter simplement sur notre désir. Il était évident que les Algériens, gouvernement et population, tous aspiraient à faire partie des premiers candidats aux Brics et que cela aurait fait plaisir. Mais en même temps, le fait qu’on n’ait pas été sélectionnés, ça nous permet de remettre en cause pas mal de choses et essentiellement la structure même de notre économie, ce qui est le point faible, à l’évidence.

Vous écrivez que malgré l’investissement diplomatique, politique et médiatique de l’Algérie, elle n’a pas pu intégrer les Brics parce qu’elle n’a pas pu compenser ses faiblesses structurelles. Est-ce que vous pouvez développer là-dessus ?

L’Algérie a une position exceptionnellement intéressante au nord de l’Afrique et en même temps, elle entretient de très bonnes relations avec beaucoup de pays africains, vu l’histoire de l’Algérie. Malheureusement, tout cet acquis-là, ce capital, ne peut être réellement activé que si, par ailleurs, l’Algérie devait être présente puissamment dans le système économique international. Or, nous sommes toujours à la marge, il n’y a pas d’investissements suffisants, il n’y a pas d’échanges suffisants, l’Algérie est toujours restée très repliée sur elle-même, elle n’arrive pas à s’ouvrir convenablement. Et ensuite, il y a d’autres problèmes secondaires, secondaires dans l’analyse mais qui sont importants dans le vécu : c’est-à-dire une administration tatillonne, de la bureaucratie, avec beaucoup de dérapages, puisque les choses ne sont pas toujours très transparentes dans le domaine économique, etc. Donc il faut que, réellement, on remette en cause un certain nombre de principes de fonctionnement qui ont été hégémoniques jusqu’à présent. Il faut plus d’ouverture, il faut plus d’investissements, il faut plus d’échanges, il faut moderniser l’appareil de l’État en général, et en cela, on a pris beaucoup de retard. Tout le monde sait que le monde maintenant fonctionne avec un certain nombre de leviers parmi lesquels les échanges internationaux, le commerce, l’investissement. Or, dans ces domaines-là, l’Algérie n’arrive pas encore à enclencher un cycle de développement vertueux.

Qu’est-ce que, en tant que Jil Jadid-nouvelle génération, vous préconisez pour avancer ?

Il y a énormément de choses à faire, ce n’est pas un seul élément qui va changer la situation, mais nous avons besoin bien entendu de plus de liberté, de plus de démocratie. Mais on a besoin aussi de sérieux dans le travail, on a besoin de sélectionner les ressources humaines qui prennent en charge les différentes responsabilités au sein de l’État, au sein des entreprises. Nous fonctionnons encore sur des relations un peu archaïques, avec beaucoup d’exigences d’allégeance, de confiance, et on ne compte pas suffisamment sur le mérite. Or, maintenant, les nouvelles générations sont sur d’autres valeurs. Ces nouvelles générations sont instruites généralement, et là, de ce point de vue, c’est un point positif qu’on ne peut pas nier. Il y a un indice de développement humain (IDH) extrêmement intéressant, il reste le premier pays en Afrique en IDH, mais ce n’est pas rentabilisé encore une fois. Donc il y a énormément d’atouts, des richesses – ça va des hydrocarbures, aux mines –, mais aussi une agriculture qui peut être florissante, qui donne déjà pas mal de satisfaction. Mais il faut aller au-delà de ça, il faut regarder plus grand. Je pense que l’Algérie est un centre névralgique pour le sud de l’Europe, pour le Proche-Orient, pour l’Afrique. Et là, on peut avoir un rôle beaucoup plus important en coopération avec les différents partenaires autour de nous.

 

Par :Houda Ibrahim
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230825-l-alg%C3%A9rie-non-retenue-par-les-brics-un-mal-pour-un-bien-pour-qu-on-prenne-conscience-de-nos-retards